Dr Rachid Razouk, INRA CRRA Meknès
En arboriculture, le suivi de la variation saisonnière de la concentration des éléments nutritifs au niveau foliaire revêt un grand intérêt pour le raisonnement des périodes d’apport des engrais en arboriculture. Ce suivi renseigne également sur les périodes optimales pour la réalisation du diagnostic foliaire, pendant lesquelles, les teneurs en éléments sont relativement stationnaires. Dans cette optique, les analyses foliaires de N, P, K, Ca et Mg ont été réalisées par intervalle de 15 jours tout au long du cycle du figuier sur trois arbres d’un cultivar bifère tardif en pleine production, âgés de 7 ans. Les arbres suivis, au domaine expérimental de l’INRA à Ain Taoujdate, étaient irrigués au goutte à goutte à 100% ETc et bien fertilisé à 75-67-75 g NPK/arbre. Ils ont été également bien entretenus en termes de protection phytosanitaire et de gestion de mauvaises herbes. A chaque date depuis le départ de végétation, des échantillons de 10 feuilles de taille la plus représentative ont été prélevés, lavés, séchés à l’étuve à 80°C pendant 48 jours et broyés en attente des analyses.
Les résultats acquis ont mis en exergue que la variation saisonnière des teneurs foliaires en N, P, K, Ca et Mg semble être régulière dans une certaine mesure, en fonction de l’âge des feuilles. Les tendances saisonnières des courbes d’évolution sont présentées dans la figure 1. La teneur foliaire en azote était relativement élevée lors du départ végétatif au début du mois d’avril (3,98%), mais avec la croissance de la feuille, elle a rapidement chuté à 2,77%, vers mi-avril, pour atteindre un niveau de 1,62 % en septembre. La diminution de la teneur en azote au cours du cycle pourrait être due à sa mobilisation vers les fruits en croissance et d’autres parties de l’arbre. Des résultats similaires ont été rapportés par Ersoy et al. (2003).
La courbe de la dynamique de P était similaire à celle de N. Le P foliaire a diminué avec le temps et est resté à une valeur stationnaire dans les feuilles âgées de 4 mois et plus. De même pour K, sa teneur a diminué avec l’avancement de l’âge de la feuille, avec une période stationnaire au mois d’août. Une tendance de variation similaire de ces deux éléments a été rapportée par Hakerlerler et al. (1998). Cependant, les teneurs en Ca et Mg ont augmenté avec l’âge de la feuille, en montrant un certain ralentissement à partir de mi-juillet (Figure 1).
Ces courbes renseignent sur les périodes optimales des apports des fertilisants. Pour l’azote, la courbe montre un besoin important pour sa mobilisation en période de croissance des différents organes de l’arbre, dont les fruits, au départ végétatif en avril (avec la nouaison des figues-fleurs) et au début juin, coïncidant avec la nouaison des figues d’automne. Pour le phosphore, les besoins sont beaucoup plus exprimés au départ végétatif et à deux mois après la nouaison des figues-fleurs. Pour le potassium, les besoins sont particulièrement importants au mois de juin et un mois avant la maturité des figues, en plus du départ végétatif. Concernant les besoins en Ca et Mg, les courbes montrent leur importance au cours du départ végétatif jusqu’à la fin du mois de juillet (1,5 mois avant maturité). Les pulvérisations foliaires de ces éléments, en cas de besoin, sont donc plus efficientes en cette période.
En superposant l’ensemble des courbes obtenues (Figure 1), nous avons pu dégager la période pendant laquelle les teneurs de tous les éléments analysés deviennent relativement stationnaires et qui constitue donc la période optimale pour le diagnostic foliaire du figuier. Il s’agit de la période s’étalant du 28 juillet au 25 août, soit 15 à 30 jours avant la récolte des figues d’automne. En comparaison avec la courbe de croissance du fruit, cette période recommandée pour le diagnostic foliaire commence lorsque le fruit atteint 40% de sa taille finale et prend fin quand la taille du fruit atteint 60%. Les dates repères identifiées pour le diagnostic foliaire peuvent donc être recommandées pour une variété tardive, telle celle étudiée, alors que pour les variétés précoces, les stades repères se référant à la date de récolte et/ou la taille du fruit sont plutôt recommandés. En outre, les teneurs extrêmes peuvent être considérées comme des valeurs préliminaires des normes de référence pour l’interprétation des analyses foliaires du figuier, qui restent jusqu’à présent non précisées, aussi bien à l’échelle nationale qu’internationale. Ces valeurs de référence sont présentées dans le tableau 1.
Le suivi de la dynamique des éléments nutritifs majeurs N, P, K, Ca et Mg au niveau foliaire a pu donc avancer des données de grande utilité pour la gestion de la nutrition chez le figuier, à savoir, les périodes critiques des besoins en plus des normes de références pour l’interprétation des analyses foliaires. Toutefois, faut-il signaler que les normes obtenues sont d’ordre préliminaire qui restent à préciser davantage à travers d’autres activités en perspective.
Références
Ersoy N., Gzlekci S., Kaynak L. (2003). Seasonal variations in the content of nutrient elements in the leaves of fig (Ficus carica L. Yesilguz). Proc. IInd IS on Fig. Eds. M. LÛpez Corrales & M.J. Bernalte GarcÌa. Acta Hort. 605.
Hakerlerler, H., N. Saatci, S. Hepaksoy and U. Aksoy. 1998. Fruit and leaf nutritional status of some fig clones and cultivars and relationships with some sugar fractions. Proceedings of the first international symposium on fig, Acta Hort. 480.