Acquis de recherche de l’INRA Meknès en matière de technologies économes en eau. Par Dr Abdellah Kajji

Dr Abdellah Kajji, chercheur INRA Meknès

Dr Abdellah Kajji, chercheur INRA Meknès

L’INRA, en tant qu’organisme national public de recherche agronomique, a axé ses travaux de recherche, durant les dernières décennies,  sur  la mise au point de technologies permettant de répondre aux stress hydriques. Cette contrainte environnementale est désormais une donnée structurelle de notre environnement et les recherches conduites en ce sens sont en adéquation avec la nouvelle stratégie du « Plan Maroc Vert » tout en répondant aux objectifs d’une profession de plus en plus exigeante. Les recherches et études conduites au sein du Centre Régional dela RechercheAgronomiquede Meknès ont mobilisé un important staff de chercheurs et de techniciens, spécialisés dans différentes disciplines des sciences agronomiques et humaines. Les résultats présentés ci-après concernent dans un premier temps l’adaptation du matériel végétal au stress hydrique, et dans un deuxième temps, la recherche d’itinéraires techniques permettant de valoriser la ressource en eau. Ces deux axes concernent aussi bien les espèces annuelles que pérennes.

Adaptation du matériel végétal

Essai variétal de blé tendre installé par l'INRA Meknès dans le domaine de la Société Agro-industrielle du Sais (M'haya)

Essai variétal de blé tendre installé par l’INRA Meknès dans le domaine de la Société Agro-industrielle du Sais (M’haya)

Pour les cultures annuelles, cinq nouvelles variétés de blé tendre (Irden, Nassira, Chaoui, Amria, Marouane et Faraj) combinant tolérance à la sécheresse et résistance à la cécidomyie ont été sélectionnées et inscrites au Catalogue Officiel entre 2003 et 2007. Trois autres nouvelles variétés de blé dur tolérantes à la sécheresse, résistantes à la cécidomyie, à la rouille brune et ayant une bonne qualité semoulière (indice de jaune plus important) sont en cours d’inscription.

S’agissant des fourrages, deux écotypes de Medicago truncatula  adaptés aux conditions agro climatiques du Sais (pluviométrie de300 mm) ont été sélectionnés. Ces écotypes présentent de très bons indicateurs de performance : le stock moyen de semences disponibles en première année est égal à 450 kg/ha en année sèche et 590 kg/ha en année favorable, contre seulement 287 kg/ha et 200 kg/ha pour les variétés australiennes. Avec des taux de germination respectifs de 49% et 66%  ces écotypes sont précoces et résistants au stress hydrique en phase reproductive.

Les recherches en arboriculture fruitière ont ciblé les espèces traditionnellement cultivées au Maroc et  moins exigeantes en eau (Olivier, Amandier, Figuier et Caroubier). Chez l’olivier, l’évaluation de 121 génotypes, issus de  prospection, a permis de sélectionner neuf génotypes pour leurs performances agronomiques en matière de productivité in situ, et pour leur teneur élevée en huile (25 à 30%).

Olivier centenaire (Fellat - Khenifra)

Olivier centenaire (Fellat – Khenifra)

Portant des fruits similaires à ceux dela Picholine marocaine, ce  matériel végétal à fort potentiel adaptatif,  est en mesure d’enrichir la structure variétale de l’olivier dans les principales régions oléicoles pluviales.

Les prospections effectuées sur le caroubier au moyen atlas et dans la région de Moulay Idriss ont montré que certains génotypes sont intéressants notamment pour leurs performances de productivité (environ 10 qx/arbre et des gousses de 10g), de rendement en graine (35%) et pour leur adaptation à des conditions défavorables.

Les résultats obtenus ont montré l’existence d’une grande diversité sur les plans morphologique et pomologique. Cette diversité est perceptible aussi sur le plan vulnérabilité à la cavitation, indicateur physiologique de comportement de l’arbre en cas de sécheresse. En effet, les génotypes provenant de la région de Khénifra présentent une variabilité plus large que ceux de Moulay Idriss. Il est à remarquer aussi que la variabilité intra-site est beaucoup plus importante dans la région de Khénifra que dans la région de Moulay Idriss. Cette variabilité pourrait être expliquée par la prise en considération d’une zone suffisamment vaste à Khénifra, alors que celle de Moulay Idriss est plus étroite. Les conditions climatiques différentes pourraient expliquer la différence régionale de comportement des génotypes. A terme, la diffusion aux agriculteurs de ce matériel répondant aux critères de rendement et de résistance au déficit hydrique prendra en compte l’adéquation caractéristique du génotype et environnement.

Itinéraire technique adapté pour l’amélioration de l’efficience de l’eau (pluviale ou apportée)

De nombreuses recherches ont porté sur l’effet d’une irrigation raisonnée : le principe général est de déterminer, pour une espèce donnée, les périodes au cours desquelles un stress hydrique aura un effet négatif important ; par conséquent, un apport d’eau, lors de ces périodes critiques, aura un effet positif important tout en optimisant les doses d’ l’irrigation.

Pour l’irrigation d’appoint du blé tendre, un apport de60 mmd’eau, dans la région du Saïs, pendant les périodes de tallage et de l’épiaison, suffit pour  augmenter les  rendements en grain d’environ 90% par rapport à la même culture en pluvial notamment quand l’année est sèche. Cette irrigation complémentaire agit positivement sur le peuplement épi, considéré comme la principale composante à réussir dans les milieux semi-arides, et sur le poids du grain.

Le recours à l’irrigation d’appoint pourrait également être une alternative pour assurer des rendements élevés et stables chez le tournesol. En effet, l’apport d’une seule irrigation de50 mmau stade floraison a engendré une augmentation du rendement grain supérieure à 60 % et de la teneur en huile de 15%. D’autres études ont montré que le déplacement du cycle de la culture, en jouant sur la date de semis ainsi que le type de variété peuvent être des alternatives pour échapper à la sécheresse de fin du cycle et aux hautes températures durant la floraison. Le gain de rendement peut dépasser 100% entre les semis d’automne et ceux pratiqués au printemps. Par ailleurs, sous régime pluvial, les variétés hybrides et populations ont produit des rendements grain comparables. Les résultats montrent qu’il n’est pas opportun de préférer les variétés hybrides si elles ne peuvent exprimer leur potentiel du fait d’un stress hydrique.

La gestion efficiente des irrigations chez certaines cultures

Essai "Gestion de l'irrigation" chez des espèces arboricoles au Domaine Expérimental d'Aïn Taoujdate (INRA Meknes)

Essai « Gestion de l’irrigation » chez des espèces arboricoles au Domaine Expérimental d’Aïn Taoujdate (INRA Meknes)

arboricoles (pêcher, amandier et  prunier), impose l’application de restrictions hydriques raisonnées pour économiser l’eau. En effet, les restrictions hydriques appliquées en dehors des périodes critiques du grossissement des fruits ont permis des  gains de 15 à 30 m3/ha /jour sans déficit significatif sur le  rendement ou la qualité.

L’olivier est également une espèce capable de répondre positivement à une irrigation supplémentaire, apportée à des stades bien précis de développement de la plante, en favorisant la croissance végétative et en améliorant le rendement.

L’application de l’irrigation complémentaire aux oliviers adultes, généralement cultivés en conditions pluviales, permet l’amélioration de la croissance végétative et le rendement. Le poids des fruits et la croissance des pousses sont davantage affectés par la première irrigation supplémentaire appliquée à la mi-juin correspondant au début de la première phase rapide de croissance des fruits. Celle-ci a un effet conséquent sur les fruits et les rendements en huile. Le même effet a également été constaté avec l’application de l’irrigation au début de la deuxième phase rapide de croissance des fruits correspondant à début de septembre.

Dans un environnement agricole national confronté, d’une part, au besoin de produire plus et d’assurer une stabilité de la production, notamment du blé tendre, et, d’autre part, à la nécessité de surmonter les contraintes climatiques et celles liées à la fragilité du milieu, le recours aux technologies de l’agriculture de conservation constitue un choix stratégique pour le développement d’une agriculture durable. Les études réalisées ont pour objet d’évaluer les itinéraires techniques permettant de mieux valoriser l’eau pluviale. Le semis direct fait partie des techniques mentionnées dans de nombreux pays, mais dont les résultats sont parfois controversés. Les études menées au CRRA de Meknès, ont été orientées selon les systèmes de travail de sol et ceux des cultures propres au Plateau de Saïs. Elles visent l’analyse des interactions, à court et moyen termes, des pratiques de gestion du sol (systèmes de travail du sol conventionnels et semis direct) et de choix des rotations culturales sur l’efficience d’utilisation de l’eau (EUE) des cultures.

Pour le blé tendre, l’amélioration de l’EUE sous semis direct est observée essentiellement en années dites sèches contre des niveaux comparables avec le travail du sol conventionnel en années pluvieuses. L’augmentation en année sèche varie de 40 à 90 %  tandis que la baisse sous semis direct en année pluvieuse n’excède pas 6 %. Pour le pois-chiche, aucune différence n’est relevée entre l’EUE obtenue sous semis direct et celle enregistrée avec les systèmes de travail du sol conventionnels en années humides comme en années sèches. Cependant, l’impact des rotations culturales sur la variation de l’EUE est mis en évidence pour le blé tendre  en faveur, souvent, d’une supériorité dans le cas de la rotation biennale blé/pois-chiche par rapport à la monoculture du blé en particulier (+18 %). L’impact des rotations culturales est sans incidence sur la variation de l’EUE chez le pois-chiche.

Conclusion

Les recherches en cours au CRRA de Meknès apportent des réponses pour certaines espèces par rapport à la problématique du stress hydrique. Pour les plantes annuelles, la sélection par rapport à la tolérance au au stress hydrique a permis d’obtenir un certain nombre de variétés. Pour les plantes pérennes, la démarche de sélection est plus longue. Les voies adoptées sont, d’une part, d’explorer la variabilité génomique présente au Maroc, notamment en cherchant à tirer parti de la sélection naturelle effectuée dans les zones plus arides, et d’autre part, de mettre au point des indicateurs permettant de prédire ou modéliser la réponse des plantes pérennes en cas de stress hydrique. Cette dernière voie permet au centre d’acquérir progressivement une expertise qui pourra être étendue à d’autres espèces.

Les études menées sur l’irrigation raisonnée sont également très prometteuses, bien qu’elles ne concernent que les situations pour lesquelles une irrigation d’appoint est possible à un stade choisi par l’agriculteur. Dans de nombreux cas, cette irrigation raisonnée permet non seulement d’améliorer le rendement par rapport à un témoin non irrigué ou quasiment le maintenir par rapport à un témoin irrigué à volonté, mais également cela permet d’améliorer la qualité du produit.

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