Introduction
Les systèmes conventionnels de labour ou de travail du sol, associés à des pratiques agricoles inappropriées, s’avèrent nuisibles à la qualité des sols (réduction de la matière organique et de l’activité microbienne) et exposent ceux-ci aux phénomènes d’érosion hydrique et éolienne. L’irrégularité et la faiblesse des précipitations ont tendance à s’intensifier sous l’effet du changement climatique et à accélérer la dégradation des sols. Or, dans différents écosystèmes à travers le monde, les systèmes de l’agriculture de conservation ont permis de conserver l’eau, de stabiliser les rendements et de séquestrer la matière organique. En témoigne l’extension rapide, surtout ces deux dernières décennies, de l’adoption du semis direct dans le monde, aussi bien sous des climats tempérés que tropicaux. Cependant, l’introduction de nouvelles pratiques de gestion du sol passe par la maîtrise des changements (propriétés du sol, dynamique de la flore adventice, comportement et développement des plantes cultivées…) qui peuvent s’opérer aussi bien à court terme qu’à moyen et long termes. D’où, des investigations de recherche ont été initiées depuis quelques années au Centre Régional de la Recherche Agronomique de Meknès dans l’objectif d’accompagner l’adoption progressive du semis direct dans les conditions pédoclimatiques du plateau du Saïs. Globalement, les résultats sont prometteurs mais dépendent d’une meilleure maîtrise de la conduite des cultures en absence de labour ou du travail du sol.
Rappel des exigences du semis direct
Les systèmes de l’agriculture de conservation comprennent un gradient allant de la réduction du nombre d’outils aratoires jusqu’à l’élimination complète de toute action mécanique de retournement ou de mixage des horizons du sol. Dans le cas du semis direct, les semences sont déposées directement dans des ouvertures dans le sol, à la profondeur souhaitée, à l’aide de semoirs conçus spécialement à cet effet. Ces semoirs combinent l’apport des engrais de fond et le dépôt des semences (1ère exigence). Le contrôle de mauvaises herbes se fait systématiquement par les herbicides et exige, en conséquence, le renforcement de la lutte contre les adventices (2ème exigence). Le semis direct requiert également le maintien de près de 30 % des résidus du précédent (mulch) en surface (3ème exigence) pour améliorer l’infiltration de l’eau dans le sol et réduire l’évaporation suite à la réduction de la vitesse du vent au contact du sol et à la baisse de la température de celui-ci.
Des résultats prometteurs pour le blé
L’introduction du semis direct dans les systèmes de cultures du plateau de Saïs peut se faire sans risque de pertes de productivité du blé. Bien que parfois un léger retard de croissance soit noté sous semis direct aux premiers stades de la culture, cet effet s’atténue et disparaît avec l’avancement du cycle de la culture. Le peuplement de la culture et le tallage des plantes du blé se montrent comparables entre le semis conventionnel et le semis direct. Néanmoins, le gain de productivité sous semis direct serait conditionné d’abord par une bonne installation de la culture (matériel utilisé et conditions d’installation notamment l’humidité du sol et les résidus des plantes), puis par la nécessité de renforcer le contrôle des mauvaises herbes particulièrement en année pluvieuse (Figure 1).
Le choix de la rotation culturale peut s’avérer indispensable pour la réussite du blé sous semis direct
Globalement, le rôle de la rotation culturale est déterminant pour minimiser l’érosion du sol et améliorer l’utilisation de l’eau par les cultures ainsi que leur productivité. En effet, la rotation culturale peut affecter la disponibilité en eau nécessaire à la croissance et au développement des plantes cultivées en agissant notamment sur les taux d’infiltration et d’évaporation. Aussi, dans le cas du semis direct, la pratique de la monoculture du blé s’avère, généralement, moins productive que les rotations biennales blé/pois-chiche ou blé/tournesol (Figure 2).
Le stock semencier du sol stipule le renforcement de la vigilance contre les mauvaises herbes sous semis direct
Après trois années d’exploitation (entre 2006 et 2009), une appréciation de la variation du stock semencier selon le semis conventionnel et le semis direct, a permis, à travers le recensement de la flore levée, de mettre en exergue la prolifération des mauvaises herbes (effectif total et diversité) en absence de travail du sol particulièrement dans le cas de la monoculture du blé (Figure 3). Le recours à la lutte chimique constitue l’unique moyen de contrôle de mauvaises herbes dans le cas des céréales et l’application des herbicides de pré-semis peut s’avérer extrêmement importante. Toutefois, le recours aux herbicides peut être combiné aux méthodes de lutte culturale (semences certifiées, variétés compétitives, cultures moins salissantes, rotations culturales) afin d’atténuer l’ampleur et l’impact de l’infestation des mauvaises herbes.
Le manque d’inversion du sol dans le cas du semis direct est habituellement associé à l’augmentation de l’infestation des mauvaises herbes. La concentration des mauvaises herbes en surface est plus élevée dans le cas du semis direct qu’en semis conventionnel aussi bien en monoculture qu’en rotation biennale (Figure 4). En effet, cette situation favorise la formation de nouveaux abris pour les semences proches de la surface du sol ; ce qui leur confère de bonnes conditions pour germer et lever.
Perspectives de recherche et de recherche/développement
Depuis l’initiation en 2006 des études comparatives entre les systèmes conventionnels de labour ou de travail du sol et les technologies de l’agriculture de conservation, notamment le semis direct, plusieurs acquis de recherche ont été obtenus en matière de comportement de plantes cultivées (blé et pois-chiche essentiellement). Le maintien du semis direct en tant que technologie de conservation dans les mesures d’adaptation aux changements climatiques, exige des investigations de recherche sur l’impact à long-terme de la suppression du labour sur l’amélioration de la productivité et la stabilité des rendements des cultures et sur la restauration de la fertilité du sol dans le contexte pédoclimatique du Saïs. L’installation des essais en milieu réel pourrait contribuer à la diffusion rapide et la bonne adaptation du semis direct dans la zone. Parmi les grandes lignes de recherche et des activités de recherche/développement entreprises et/ou prévues à cet égard, nous retenons :
- L’analyse de l’impact à long-terme du semis direct en comparaison avec les systèmes de labour ou de travail du sol conventionnels sur la productivité du blé (niveaux de biomasse, composantes de rendement, développement physiologique…) ;
- L’analyse de l’impact de la rotation culturale dans les systèmes de l’agriculture de conservation en comparaison avec les systèmes conventionnels de travail du sol sur la productivité du blé et des cultures associées ;
- L’analyse de l’impact du semis direct en comparaison avec le travail du sol conventionnel sur certains indicateurs de la qualité du sol dans le système blé (matière organique, éléments minéraux, agrégation, pH…) ; et
- L’initiation des essais en milieu réel sur le semis direct en comparaison avec le travail du sol conventionnel (plate-forme de démonstration, journées de formation, …).