La production céréalière nationale face au stress hydrique – Par Sahar Bennani, UR.APCRGG – CRRA Meknès

Sahar Bennai, Amélioration génétique des céréales, URAPCRG - CRRA Meknès

Sahar Bennani, Amélioration génétique des céréales, URAPCRG – CRRA Meknès

Les céréales représentent l’un des principaux secteurs de production agricole au Maroc. Elles représentent 15 à 20 % du PIB et génèrent 40% d’emplois. La superficie annuellement emblavée est en moyenne aux alentours de 5 millions d’hectares soit 70% de la superficie agricole utile. Les cultures céréalières les plus importantes sont le blé tendre (2 Mha), le blé dur (1.9 Mha) et l’orge (1 Mha). La production céréalière est située essentiellement en bour, influencée par une pluviométrie de plus en plus rare variant dans l’espace et dans le temps. L’essentiel de la production provient des agro écosystèmes sub- humides et semi arides.

Depuis les années 80, les épisodes de sécheresse se succèdent et les importations deviennent chroniques et représentent près de la moitié de la production nationale (26 millions de quintaux en moyenne) en dépit d’une production nationale de plus en plus faible (ONICL, 2012). La grande majorité des importations concerne le blé tendre (77%), suivi du blé dur (12%) et de l’orge (11%). Face au changement climatique planétaire, la production internationale devient de plus en plus instable. La dépendance au marché international pèse lourd sur la caisse nationale et menace ainsi la sécurité alimentaire du pays.

Evolution des rendements nationaux des blés (1960-2008)

Evolution des rendements nationaux des blés (1960-2008)

Stress liés aux céréales  

En plus des stress abiotiques liés principalement aux conditions climatiques essentiellement la sécheresse et les hautes températures, les céréales sont sujettes à différents pathogènes notamment les maladies cryptogamiques (rouilles, septoriose, helminthosporiose), les pourritures racinaires et les insectes (Mouche de Hesse). La combinaison de ces facteurs de stress affecte négativement le rendement annuel des cultures et la qualité de la production.

La production céréalière reste très dépendante des aléas climatiques de la saison agricole, principalement la pluviométrie et sa répartition au cours du cycle de la culture. La succession et l’intensité des épisodes de sécheresse, depuis le début des années 80, a eu un impact négatif sur la production nationale. Ainsi, les céréales peuvent tantôt enregistrer des records de production frôlant les 100 Mqx comme cela a été les cas en 2012-2013, année humide avec des pluies bien réparties. Tantôt, nous sommes face à une chute spectaculaire de production, moins de 5 qx/ha comme pour les années 1995 et 2000. Ces faibles rendements sont enregistrés lors des années sèches sévères avec une pluviométrie mal répartie au cours du cycle cultural.

Dans cette perspective, plusieurs programmes nationaux de recherche agricole sont menés pour l’amélioration des céréales à travers la création de nouvelles variétés résistantes ou tolérantes à différents stress biotiques et abiotiques, l’amélioration des pratiques culturales et l’amélioration de l’efficience de l’utilisation des intrants.

Création variétale pour la tolérance à la sécheresse

La sécheresse est considérée comme l’un des principaux facteurs limitant la productivité des céréales. L’amélioration de la tolérance à la sécheresse est ainsi l’un des objectifs majeurs de sélection dans le programme national de sélection du blé, pilier de la sécurité alimentaire du pays.

Le phénomène de sécheresse peut changer de lieu, d’intensité, de durée et même de date d’apparition au cours du cycle cultural. Au Maroc, il survient généralement en fin de cycle, mais on l’observe également en début et au milieu du cycle lors des années sèches.

L’effet de la sécheresse sur la production dépend du stade de développement au cours duquel s’est produit le déficit hydrique ainsi que l’intensité et la durée de cette contrainte. Les stades les plus vulnérables au stress hydriques sont « fin tallage-début montaison », « épiaison-début floraison » et stade « formation des grains ». Elle est peu sévère dans les zones humides, intermédiaire dans les zones sub-humides et sévère dans le semi aride.

La création variétale est l’une des options les plus prometteuses pour pouvoir limiter les pertes dues à la sécheresse et adapter les nouvelles variétés aux conditions dominantes par la minimisation du déficit hydrique interne et le maintien de son processus de croissance et de développement. L’objectif majeur étant un rendement élevé et stable en dépit des variations intra et inter annuelles en termes de précipitations.

Le succès de la sélection conventionnelle reste limité, principalement à cause de la complexité de l’ensemble des mécanismes liés à la sécheresse (morphologiques, physiologiques, anatomiques et biochimiques), à la complexité du génome du blé, au manque des techniques d’évaluation adéquates et au manque de variabilité génétique facilement lisible sous stress. Il est très difficile de sélectionner directement pour la résistance à la sécheresse car le contrôle génétique de ce caractère quantitatif est très complexe. La variation du stress hydrique au cours du cycle de la plante et au cours des années, la combinaison de plusieurs formes de stress (température et manque d’eau) sont autant de problèmes qui impliqueraient la sélection directe au champ. Actuellement, la sélection pour la tolérance à la sécheresse est principalement basée sur le rendement en grains en plein champ et certains caractères morphologiques tels que l’enroulement des feuilles, la précocité de la floraison et la fertilité de l’épi. Chaque caractère, à lui seul, ne constitue pas un critère de sélection puissant. Et compte tenu de la diversité des réponses au stress hydrique, la combinaison de plusieurs tests devrait permettre d’aboutir à un criblage précoce et efficace pour la sélection des génotypes tolérants. Par ailleurs, l’intégration des nouvelles techniques telles que le marquage moléculaire (MAS) est fortement recommandé pour faciliter et aider dans la sélection variétale.

Variétés tolérantes à la sécheresse du milieu du cycle comparées à des variétés sensibles

Variétés tolérantes à la sécheresse du milieu du cycle comparées à des variétés sensibles

L’INRA dirige le programme d’amélioration des céréales faisant intervenir plusieurs disciplines. De nouvelles variétés sont continuellement créées par les sélectionneurs afin de répondre aux besoins des consommateurs et exigences des producteurs et minotiers et tous les intervenants dans la chaine céréalière. Les variétés créées incorporent également des gènes de résistances aux différents stress biotiques et abiotiques dominants dans les différents agro- écosystèmes marocains. Pour le blé tendre et malgré l’impact défavorable du changement climatique, la stabilité des rendements a été améliorée grâce à l’augmentation de la productivité en conditions de sécheresse avec un accroissement annuel d’environ 1.3 % par an et une efficience d’utilisation de l’eau estimée à 2.61 kg/mm comparés à 1.49 kg/mm seulement avant les années 80 (Jlibene, 2009). Les nouvelles variétés créées donnent des grains avec moins de 100 mm de précipitation au cours du cycle cultural témoignant du progrès établi en matière de tolérance à la sécheresse. Toutefois, le potentiel de production de ces nouvelles variétés pourrait être atteint s’il est combiné avec une conduite culturale appropriée (rotations, fertilisation, traitements phytosanitaires, irrigation d’appoint, etc). Cela est prouvé par le gain en rendement grains depuis 1980 qui atteint 0.5 qx/ha dans les domaines expérimentaux pour les nouvelles variétés contre 0.19 qx/ha seulement chez les agriculteurs (Jlibene, 2011).

Conclusion

La sécheresse a un impact négatif sur la production agricole nationale et principalement céréalière. La diffusion des nouvelles variétés, incorporant différents gènes de résistance à plusieurs stress, et leur adoption par les agriculteurs pourra atténuer son effet sur le rendement et permettre ainsi une production nationale plus importante.

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