L’approche agroforestière pour pallier au morcellement des terres agricoles et optimiser leur productivité

Dr Khalid Daoui, Chercheur en agrophysiologie - URAPV CRRA Meknès
Dr Khalid Daoui
Chercheur
Agrophysiologie
URAPV – CRRA Meknès

En analysant les performances de l’agriculture marocaine on a assez souvent avancé que l’une des contraintes majeures pour l’amélioration des productions serait le morcellement des terres agricoles (Photo 1). Ce morcellement s’opposerait en quelques sortes à une mécanisation à grande échelle et à une intensification agricole optimale. Afin d’augmenter l’efficience des terres en présence de cette contrainte structurelle de l’agriculture marocaine, différentes altératives ont été mises en place par l’Etat dont : le remembrement des terres, la création de coopératives, ou tout récemment l’agrégation. L’agroforesterie qui désigne l’association sur le même terrain agricole de cultures pérennes et de cultures annuelles et parfois de l’élevage, est une pratique assez répandues dans ces espaces concernées par le morcellement. Où la plupart des petits agriculteurs l’auraient adoptée pour une meilleure efficience d’utilisation des intrants et une meilleure résilience face aux différents aléas climatiques ou économiques. Les espèces pérennes dans leur diversités (arbres ou arbustes) sont présentes de différentes manières : au sein ou en bordure de la parcelle, comme clôture des habitats etc. Comme elles sont présentes soient de manière mono spécifique ou sous forme de mélange d’espèces.

Par ailleurs, en changeant de regard et en se focalisant sur les espèces arboricoles, on peut voir qu’il ne s’agirait que d’une exploitation agricole unique dans plusieurs situations. Pour mieux visualiser cette orientation, on peut prendre comme exemple les oasis (Photo 2). Cet espace constitué d’une mosaïque de petites parcelles appartenant à plusieurs agriculteurs n’empêche qu’on le désigne parfois de Palmeraies en focalisant notre intérêt et notre regard sur les palmiers qui dépassent tout le reste. Cet exemple si complexe peut être simplifié en observant les nouvelles plantations installées dans le cadre du « Plan Maroc Vert » ou tout récemment dans le cadre de la stratégie « Generation Green ». Ces plantations ayant bénéficiées aux petits agriculteurs ont été intégrées dans le paysage agricole faisant voir d’en haut une même espèce arboricole sur une plus grande superficie alors qu’en dessous, le morcellement émerge à travers la mosaïques des cultures annuelles installées de manière individuelle (différentes espèces, différentes variétés, différentes dates de semis et  différents itinéraires techniques).

Une telle manière de faire  induirait les contraintes suivantes :

  1. Faible contrôle de l’érosion.
  2. Faible rétention de l’eau des pluies.
  3. Grandes incidences des maladies et des ravageurs si leur contrôle n’est pas réalisé par l’ensemble des agriculteurs voisins.
  4. Grande difficulté pour les interventions mécaniques etc.

Maintenant en se focalisant sur les espèces arboricoles, comme avancé plus haut, on aurait l’impression qu’il s’agit d’un terrain agricole commun pour lequel on peut penser à des interventions communes (Photo 3 et 4).

Ces interventions devraient intéresser en premier lieu les espèces pérennes :

  1. Aménagement du paysage (choix des densités des plantations et de leurs structures).
  2. Création de terrasses pour les terrains en pente.
  3. Fertilisation.
  4. Traitements phytosanitaires.
  5. Taille.
  6. Récolte.

Ces interventions focalisées sur les espèces pérennes devraient intéresser l’ensemble des agriculteurs concernés. Cet intéressement peut être motivé par des incitations telles que les interventions à grande échelle (le traitement phytosanitaire par exemple).

Une fois établi, l’intérêt porté sur les espèces arboricoles communes, viendrait ensuite l’intérêt à porter sur les espèces  annuelles en intercalaires. Ceci bien sûr dans le cas ou le design des plantations (structure, densité et âge des plantations ainsi que la pente du terrain) aurait pris en compte la pratique des cultures annuelles dans le cadre d’une approche d’agroforesterie (association de manière délibérée ou ordonnée sur la même parcelle d’espèces pérennes, d’espèces annuelles et ou de l’élevage). Cet intérêt à porter aux cultures annuelles pourrait être initié par l’intérêt à porter tout d’abord à l’agriculture de conservation. Sachant que cet intérêt rentre également dans la stratégie GG et que pour permettre son adoption par les agriculteurs, les semoirs nécessaires pour le semis direct ont été alloués aux associations d’agriculteurs.  Viendrait ensuite l’action à  mener à l’échelle du territoire en visant une grande superficie nouvellement plantée dans laquelle on va installer la même espèce annuelle selon un design particulier (orientation par rapport à la pente si elle existe, espacement par rapport à l’espèce pérenne etc.). Le même itinéraire technique serait poursuivi pour l’ensemble du territoire indépendamment de la propriété: une même variété performante pour la zone, une même date et densité de semis, une fertilisation adaptée selon la fertilité du territoire concerné et, enfin, un même suivi pour les interventions ultérieures de contrôles des maladies et des mauvaises herbes etc.

Cette orientation serait conditionnée par l’adhésion des agriculteurs. Ceci pourrait être basé sur les aspects suivants :

  1. bien que l’investissement soit commun, le partage des coûts et des bénéfices serait réalisé proportionnellement à la taille de la parcelle détenue par le propriétaire concerné.
  2. Un autre facteur peut être ajouté, à savoir la productivité de la parcelle concernée. Ceci pourrait être réalisé soit sur la base de l’historique de la parcelle soit sur la base de l’établissement d’une échelle de fertilité.
  3. L’action commune devrait être portée soit par une tierce personne (sociétés de services par exemple) soit par l’organisation concertée des agriculteurs concernés (association, coopérative…).

Les avantages prévus derrière cette approche seraient les suivants :

  1. Conservation de l’eau et des sols à l’échelle du territoire (Photos 5 et 6).
  2. Adoption à grande échelle de l’agriculture de conservation.
  3. Durabilité des systèmes de production.
  4. Implication des agriculteurs dans la gestion durable des ressources naturelles.
  5. Amélioration de la productivité agricole.
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