SITUATION DU DESHERBAGE DANS LE SYSTEME CEREALES-LEGUMINEUSES EN SEMIS DIRECT DANS LA REGION DE FES-MEKNES. Par Mariam El Harsal et Abderrahim Essahat (INRA CRRA Meknès)

Ir Mariam El Harsal, chercheuse en malherbologie, URPP-CRRA-Meknès-

Ir Mariam El Harsal, chercheuse en malherbologie, URPP CRRA Meknès

L’agriculture de conservation des sols repose sur trois piliers : i) une stratégie de travail minimum du sol, ii) la couverture végétale permanente ou quasi-permanente des sols et iii) l’adoption de rotations de cultures diversifiées (Schaller, 2013). En dépit de la superficie modeste occupée par ce système au Maroc, qui est de l’ordre de 25 milles ha (Mrabet et al., 2021), ce type d’agriculture prend de plus en plus de l’importance. A titre d’exemple son inclusion dans la nouvelle stratégie agricole « Génération Green 2020-2030 », dont le Maroc prévoit l’adoption du semis direct sur 1 Million d’ha de céréales à l’horizon 2030.

Le changement en faveur du système de semis direct suscite des inquiétudes chez beaucoup de producteurs quand il s’agit de contrôler les mauvaises herbes. En effet, la suppression du labour comme méthode de contrôle des mauvaises herbes signifie que les producteurs doivent ajuster les rotations des cultures, l’utilisation des herbicides et d’autres pratiques culturales en compensation (Labrada, 2005 ; Aibar, 2006 ; Nichols et al., 2015).

Dans ce cadre, cette étude vise à dresser un état des lieux sur les techniques adoptées par les agriculteurs, pour la gestion des adventices en semis direct. Pour ce faire, une enquête a été réalisée dans la zone du Saïss auprès de certains agriculteurs qui pratiquent le semis direct dans le système céréales-légumineuses.

La campagne 2021/2022 a connu une très faible pluviométrie, voire son absence durant les mois de janvier et de février, ce qui a engendré un stress affectant la croissance et le développement des cultures d’automne. Le stress a induit des pertes considérables notamment ressenties dans les cultures conduites en semis conventionnel. Ce qui explique l’avantage du semis direct dans la conservation des eaux dans les sols.

Dans la région de Fès-Meknès, la pratique du semis direct remonte à plus de 15 ans et les espèces d’adventices problématiques sous ce système sont : Bromus rigidus, Lolium rigidum, Avena sterilis, Phalaris sp., Centaurea diluta, Chrysanthemum coronarium, Chrysanthemum segetum, Ridolfia segetum, Sinapis arvensi, Scolymus maculatus, Scolymus hispanicus, Papaver rhoeas et Malva parviflora. Pour ce qui est des légumineuses alimentaires, les prospections ont dévoilé que les agriculteurs sont soucieux de l’apparition de l’Orobanche crenata dans leurs champs, plus que la présence d’autres adventices.

Dans ce qui suit sont présentés les différents éléments et facteurs employés par les agriculteurs et qui influence la gestion des adventices en semis direct :

1. Destination de la récolte

La destination finale du produit récolté des légumineuses ou céréales, affecte directement le désherbage des cultures. Les destinations se résument en trois cas de figure à savoir l’acheminement vers le marché local, l’alimentation de bétail et la production des semences. Pour ce dernier cas, le raisonnement du désherbage est plus strict par rapport à l’alimentation de bétail, qui ne nécessite pas d’intervention.

2. Rotation culturale

La rotation des cultures est un pilier fondamental dans la pratique du semis direct. Il est à noter que l’intégration du mélange fourrager (orge + petit pois fourrager) dans la rotation a permis de réduire le stock semencier des mauvaises herbes de 35%, la richesse en espèces de 47% et la densité des mauvaises herbes avant la récolte jusqu’à 83% (Tanji et al., 2017).

Figure 1 : Répartition des types de rotation employés par les agriculteurs enquêtés

Figure 1 : Répartition des types de rotation employés par les agriculteurs enquêtés

Les agriculteurs de la région négligent le recours à la rotation. En effet, seulement 35% pratiquent la rotation biennale et 9% la rotation triennale (Figure 1). L’analyse des données a montré que les personnes les plus anciennes en semis direct sont celles qui se donnent le plus à une longue rotation. En outre, le statut foncier de la terre affecte ce paramètre, car la location des terres agricoles pousse certains agriculteurs à choisir une seule culture rentable.

1. Choix variétal

D’après Bouhache (2020), le génotype joue un rôle très important dans le phénomène de compétition entre une culture et les mauvaises herbes. De même l’utilisation des semences certifiées permet de minimiser la dissémination des mauvaises herbes ainsi que leur impact sur la culture (Si Bennasseur, 2005). Les résultats de notre étude ont montré que les agriculteurs s’approvisionnent soit de la SONACOS, soit du marché local « souk » ou ils utilisent les semences autoproduites des récoltes précédentes. Ils optent souvent pour les variétés « Faiza » pour le blé tendre, « Amalou » pour l’orge, « Alfia 17 » pour la féverole, « Kerbassa » pour le pois chiche et des variétés communes non certifiées pour les autres espèces.

2. Traitement de pré-semis

A cause du manque des précipitations au début de la campagne, presque 80% des agriculteurs n’ont pas traité avant le semis, car il y avait une absence d’adventices. Les personnes enquêtées préfèrent de semer précocement entre mi-octobre et mi-novembre. En cas de présence des adventices ils traitent par le glyphosate sous deux formulations ; soit Glyphosate (480 g/l) à une dose de 1.5 l/ha ou le glyphosate (360 g/l) à raison de 2 l/ha.

3.Gestion des adventices

Le raisonnement du désherbage pour les céréales se base essentiellement sur la lutte chimique, alors que pour les légumineuses, le contrôle des mauvaises herbes se fait à l’aide des moyens chimique, mécanique et manuel. La moitié des agriculteurs enquêtés ont subi des formations sur la gestion des adventices, mais le choix du moyen de désherbage adéquat reste surtout une réflexion sur ce que font leurs voisins. A cet effet, les différentes formulations chimiques employées par les agriculteurs sur les adventices des céréales et des légumineuses sont récapitulées dans le tableau 1.

Tableau 1 : Matières actives les plus utilisées par les agriculteurs dans la zone du Saïss.

Tableau 1 : Matières actives les plus utilisées par les agriculteurs dans la zone du Saïss.

En résumé, le semis direct constitue une technique appropriée pour faire face au changement climatique, améliorer la fertilité des sols et augmenter la production agricole dans les conditions climatiques difficiles. Toutefois, la présence des mauvaises herbes est l’une des contraintes majeures de ce système.

En adoptant le semis direct, les semences des mauvaises herbes se concentrent dans les horizons superficiels. Ainsi, pour réduire ce stock semencier, un programme de gestion intégrée moyennant différentes méthodes préventives, culturales, mécaniques et chimiques devra être adopté. Conscients de ces constats, les agriculteurs de la région essaient de mettre en pratique les bases de la gestion intégrée, quoiqu’il reste encore du travail à faire pour surmonter cette phase de transition vers les systèmes de nnon-labour.

Références bibliographiques :

Aibar J (2006). La lutte contre les mauvais es herbes des céréales en semis direct : Principaux problèmes Options Méditerranéennes. Série A. Séminaires Méditerranéens 69: 19- 26.

Bouhache M. (2020). Bases pratiques de désherbage des céréales d’automne au Maroc. AMPP.165 p.

Labrada R (2005). Gestion des mauvaises herbes pour les pays en développement. FAO, Rome. 285p.

Mrabet R., Moussadek R., Devkota M. and Lal R. (2021) No-tillage Farming in Maghreb Region: Enhancing agricultural productivity and sequestrating carbon in soils. In: Advances in Soil Science: Soil organic Matter and feeding the future: Environmental and Agronomic Impacts. Doi: 10.1201/9781003102762-14.

Nichols V, Verhulst N, Cox R and Govaerts B (2015). Weed dynamics and conservation agriculture principles: A review. Field Crops Research No183: 56–68.

ONSSA (2022) Index phytosanitaire Maroc. http://eservice.onssa.gov.ma/IndPesticide.aspx

Schaller, N. (2013) L’agriculture de conservation, Analyse-Centre d’études et de prospective 61. Serpantié, G., 2009. L’agriculture de conservation à la croisée des chemins. Vertigo 9(3). Doi : 10.4000/vertigo.9290.

Si Bennasseur A. (2005), Référentiel pour la Conduite Technique de la Culture du blé tendre (Triticum aestivum). Doi : 10.13140/RG.2.1.3167.8804.

Tanji A. (2022) Gestion des adventices des légumineuses alimentaires. AMPP. 91-104.

Tanji A., EL Gharras O., Mayfield A., and El Mourid M. (2017) On-farm evaluation of integrated weed management in no-till rainfed crops in semi-arid Morocco. African Journal of Agricultural Research, Vol. 12(16):1404-1410

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