SESAME MAROCAIN : SITUATION ACTUELLE, DEFIS ET ACTIONS RECOMMANDEES POUR SON DEVELOPPEMENT. Par Mohamed Kouighat1,2, Meriem El Harfi2, Mohamed El Fechtali1, Abdelghani Nabloussi1*

Dr Mohamed Kouighat, INRA CRRA Meknès-FST Beni Mellal

Dr Mohamed Kouighat, INRA CRRA Meknès-FST Beni Mellal

Le sésame (Sesamum indicum L.) de la famille des Pedaliaceae est l’une des plus anciennes cultures oléagineuses au monde. Originaire tropicale et subtropicale, cette culture s’est étendue aux régions arides et semi-arides. Bien que la superficie et la production mondiale du sésame soient en développement, ce n’est pas le cas au Maroc où cette culture reste mineure, avec une superficie globale qui n’a jamais dépassé 2000 ha, principalement dans la zone du Tadla. Dans ce contexte, la stratégie du Plan Maroc Vert (PMV, 2008-2020) a visé à développer cette culture et à améliorer le niveau socio-économique des petits agriculteurs locaux. Le PMV a pointé, pour 2020, une augmentation de 200% de la superficie de cette culture ainsi qu’une augmentation de 400% de la production de semences. Néanmoins, au cours de cette période, la production a diminué de 55%, et la superficie récoltée a chuté de 43% (Figure 1). Malgré sa faible productivité, le sésame génère un chiffre d’affaires de 28 millions de dirhams et assure 70.000 journées de travail, ce qui contribue au développement socio-économique de la population locale. Cependant, son potentiel de production n’a pas été atteint en raison de plusieurs défis qui ont affecté sa production et sa commercialisation au cours de la dernière décennie. Cet article se veut une revue de synthèse sur la situation actuelle et les perspectives de développement de la culture du sésame au Maroc.

Aperçu sur le sésame au Maroc

Figure 1 : Superficie récoltée (ha) et production de graines de sésame (t) au Maroc au cours de la période 2000-2020 (FAOSTAT, 2022).

Figure 1 : Superficie récoltée (ha) et production de graines de sésame (t) au Maroc au cours de la période 2000-2020 (FAOSTAT, 2022).

Au Maroc, la culture du sésame est connue depuis bien longtemps, particulièrement dans la zone du Tadla. Cependant, cette culture mineure souffre de plusieurs défis. La sécheresse a toujours été présente comme un élément structurel du climat marocain, avec une fréquence croissante au cours des dernières décennies, en raison du changement climatique. Ce stress abiotique affecte très significativement le sésame qui est cultivé en dérobé, généralement planté entre juin et octobre. Par conséquent, c’est une culture qui reste entièrement irriguée pour satisfaire ses besoins hydriques. De plus, la performance du système d’irrigation (gravitaire) reste très faible en raison des pertes d’eau élevées, du manque d’uniformité de l’irrigation et du coût élevé. La productivité du sésame marocain reste également faible en raison de la faible fertilisation. En plus, le sésame marocain subit des techniques d’entretien minimum avec un désherbage rare qui se fait manuellement ou par pâturage.Outre ces considérations, le traitement phytosanitaire se fait après l’apparition des attaques et de l’infestation de la culture, ce qui rend la lutte contre les ravageurs plus difficile et inefficace. Pendant la maturité, la récolte et les traitements post-récolte se font manuellement, ce qui requiert beaucoup de main d’œuvre et donc un coût de production élevé. Les cultivars de sésame à faible potentiel de rendement pourraient être l’une des majeures raisons de la faible production de cette culture au Maroc. En effet les cultivars ou populations locales du sésame marocain se caractérisent par des traits sauvages dont un cycle cultural long, une faible rétention des graines et un manque de résistance/tolérance aux stress abiotiques et biotiques. Par ailleurs, ces populations sont génétiquement très proches, ce qui limite la diversité génétique existante et par conséquent ne permet aucune sélection de matériel génétique performant à même d’améliorer la productivité de la culture. Du point de vue économique, la consommation du sésame est encore faible et saisonnière due à la méconnaissance de la population marocaine des bienfaits des graines et huile du sésame. Il est à signaler aussi que les intermédiaires commerciaux sont les plus grands gagnants du marché du sésame au Maroc, ce qui affecte négativement la rentabilité de cette culture pour les petits producteurs. De même, la quasi-totalité des agriculteurs de la région ne stockent pas leurs récoltes. Cela peut être dû au manque de liquidités financières pour créer des unités de stockage et des centres de commercialisation. Aussi, l’absence de coopératives et d’associations d’agriculteurs visant à valoriser les produits du sésame pousse les petits agriculteurs à vendre leurs graines de sésame récoltées à des prix très bas.

Actions pour surmonter les défis

La culture du sésame est exposée à de nombreuses contraintes dont les plus importantes sont liées aux techniques culturales inadaptées et à l’absence de variétés améliorées. D’une part, l’optimisation de la densité des plantes et l’apport adéquat en éléments nutritifs sont très importants pour améliorer le rendement et la qualité des graines de sésame dans les environnements marocains. D’autre part, le perfectionnement de l’irrigation réduit à la fois les pertes d’énergie et d’eau et maintien des rendements élevés. Les cultivars de sésame présentent des caractéristiques sauvages et, par conséquent, l’amélioration génétique de cette culture est impérative pour relever divers défis socio-économiques et agronomiques dans le contexte actuel du changement climatique. La sélection conventionnelle peut ne pas réussir en raison de la diversité génétique existante limitée. Dans une telle situation, d’autres nouvelles techniques telles que la mutagénèse peuvent être adoptées comme une alternative à l’hybridation conventionnelle. Dans ce contexte, des travaux de mutagenèse sur le sésame au Maroc ont été entrepris et ont abouti à des lignées mutantes intéressantes (Kouighat et al., 2020; 2021; 2022a; 2022b). Par ailleurs, davantage de travaux de recherche, principalement liés à la gestion des cultures, sont encore nécessaires pour atteindre le potentiel de production du sésame au Maroc. En plus de l’amélioration du rendement en graines, la production peut être renforcée en augmentant la surface de la culture. Au Maroc, de nombreuses autres régions que Tadla sont propices à la culture du sésame, notamment celles situées dans certains périmètres irrigués comme le Souss-Massa, le Haouz, le Doukkala, la Chaouia et la Moulouya. Dans la chaîne de valeur du sésame, pour surmonter le handicap d’intermédiaires commerciaux, les agriculteurs devraient s’organiser en associations ou coopératives à même de faciliter la vente de leur production aux grossistes ou même directement aux consommateurs finaux à des prix attractifs. Ces organisations pourraient également contracter des accords avec des entreprises nationales et étrangères pour avoir accès à des marchés plus forts et plus rentables. Cela apportera certainement une valeur ajoutée à la production du sésame pour les marchés nationaux et internationaux, améliorer les revenus des agriculteurs et créer plus d’emplois.

Finalement, pour réduire les importations des graines de sésame et satisfaire les besoins de consommation croissants, il est nécessaire de concevoir et de mettre en œuvre un plan d’extension des superficies de sésame dans le pays. Cela peut être fait dans le cadre d’un contrat-programme à convenir entre le gouvernement et l’interprofession pour la mise à niveau et le développement de la filière du sésame.

Références

FAOSTAT. (2022). Consulté 10 mai 2022, à l’adresse http://www.fao.org/faostat/fr/#data/QC

Kouighat, M., Channaoui, S., Labhilili, M., El Fechtali, M., & Nabloussi, A. (2020). Novel genetic variability in sesame induced via ethyl methane sulfonate. Journal of Crop Improvement, 1‑12. https://doi.org/10.1080/15427528.2020.1861155

Kouighat, M., Hanine, H., El Fechtali, M., & Nabloussi, A. (2021). First Report of Sesame Mutants Tolerant to Severe Drought Stress during Germination and Early Seedling Growth Stages. Plants, 10(6), 1166. https://doi.org/10.3390/plants10061166

Kouighat, M., El Harfi, M., Hanine, H., El Fechtali, M., & Nabloussi, A. (2022a). Moroccan sesame: Current situation, challenges, and recommended actions for its development. OCL, 29, 27.

Kouighat, M., Hanine, H., El Fechtali, M., & Nabloussi, A. (2022b). Assessment of some sesame mutants under normal and water-stress conditions. Journal of Crop Improvement, 0(0), 1‑17. https://doi.org/10.1080/15427528.2022.2095685

Kouighat, M., Nabloussi, A., Adiba, A., Fechtali, M. E., & Hanine, H. (2022c). First Study of Improved Nutritional Properties and Anti-Oxidant Activity in Novel Sesame Mutant Lines as Compared to Their Wild-Types. Plants, 11(9), Art. 9. https://doi.org/10.3390/plants11091099

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1 INRA, Centre Régional de la Recherche Agronomique de Meknès

2 USMS, FST de Béni-Mellal

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