SENSIBILITE DE DIFFERENTES VARIETES DE POMMIER VIS-A-VIS DU CARPOCAPSE CYDIA POMONELLA L. Par Dina Akroute1, 2, Salma EL Iraqui EL Houssaini 1

Dina Akrout, PhD Student CRRA Meknès-FS Kenitra

Dina Akrout, PhD Student CRRA Meknès-FS Kenitra

La filière du pommier joue un rôle socio-économique important au Maroc, avec une superficie globale de l’ordre de 50 000 hectares et une production annuelle de 590 000 tonnes en 2020 {1}. Cependant, cette culture est confrontée à un certain nombre de maladies et ravageurs, notamment le carpocapse des pommes et des poires Cydia pomonella L. dont la présence au niveau d’un verger se traduit par plusieurs dégâts allant jusqu’à la perte de la production. C’est un ravageur redoutable qui s’attaque aux rosacées fruitières à pépins. Les larves de ce lépidoptère creusent des galeries jusqu’à la cavité des pépins et se nourrissent de la chair des pommes (Fig.1 et Fig.2). L’infestation des pommes se solde par des dommages dépréciant la qualité du fruit, voire une impossibilité de leur mise sur le marché {2}.

Pour contrer ce ravageur et atténuer ses populations, les producteurs ont recours, très souvent, à la lutte chimique

Carpocapse adulte

Carpocapse adulte

basée sur des formulations d’insecticides à action polyvalente et à un nombre élevé de traitements. Ainsi, plusieurs cas de résistance, à l’origine d’un échec de lutte avéré, ont été révélés partout dans le monde (USA, France, Chili, Espagne, Grèce, etc.), et également au Maroc où les prémisses de la résistance ont été démontrées par des recherches menées à l’INRA {3}. Ces interventions immodérées sont également à l’origine de l’augmentation des coûts de production et sont néfastes pour la santé du consommateur et l’environnement. Pour contourner ces contraintes,

Fig. 1 : Dégâts occasionnés par la larve de Cydia pomonella

Fig. 1 : Dégâts occasionnés par la larve de Cydia pomonella

certains producteurs ont recours aux pièges sexuels pour raisonner les traitements et ne traiter qu’en fonction du dépassement du seuil d’intervention. Or cette démarche s’est révélée insuffisante dans le cas de

Fig. 2 : Dégâts occasionnés par la larve de Cydia pomonella

Fig. 2 : Dégâts occasionnés par la larve de Cydia pomonella

populations abondantes. Il y a également la confusion sexuelle qui a montré ses prouesses dans plusieurs vergers, mais la réussite de cette technique est conditionnée par un certain nombre de paramètres difficiles à contrôler (taille de la parcelle, population initiale faible, parcelle isolée par rapport aux autres parcelles de pommier, un coût onéreux, etc.). Compte tenu de tous ces éléments, la lutte contre le carpocapse demeure un défi majeur pour les producteurs, nécessitant une recherche continue de nouvelles approches efficaces et durables. La sélection des variétés résistantes au carpocapse paraît un moyen prometteur qui permettrait de contrôler ce ravageur en minimisant l’emploi des pesticides.

Le présent travail se propose d’étudier la sensibilité de différentes variétés de pommier aux attaques du carpocapse pour élucider dans un premier temps s’il y a une préférence variétale et corréler les dégâts de ce ravageur à quelques paramètres physico-chimiques et biochimiques de la pomme.

Démarche méthodologique

L’étude a été menée dans le domaine expérimental de Lannoceur de l’INRA Meknès, sur une collection de pommier comprenant 12 variétés (10 arbres/ variété) :  Red Chief, Stark Delicious, Obro Gala, BrookField, Early Red one, Washington Spur, Golden Smoothee, Cherry Gala, Galaxy Gala, Golden Delicious, Anna et Dorsett.

Pour s’assurer de la présence du ravageur, sept pièges sexuels ont été déployés dès le 1er avril 2022 et l’estimation des dégâts causés par l’insecte a été réalisée par un contrôle de tous les fruits/arbres/variétés. Les observations ont été faites à 4 dates : en juin, juillet, août et septembre, planifiées selon les différents stades de maturité des fruits et la dynamique de l’insecte. Pour les analyses physicochimiques et biochimiques, 20 fruits par variété ont été cueillis aléatoirement durant les quatre dates d’inspection. Tout d’abord, les fruits échantillonnés ont fait objet d’une caractérisation pomologique (poids, épaisseur et fermeté), puis ils ont été lyophilisés pour la détermination des propriétés chimiques (pH, Brix et acidité titrable) et biochimiques (polyphénols totaux et sucres solubles totaux).

Résultats et discussion

Fig. 3 : Pourcentage des dégâts des différentes variétés de pommier

Fig. 3 : Pourcentage des dégâts des différentes variétés de pommier

Les résultats de ce travail, montrent dans un premier temps que les variétés de pommier n’ont pas la même sensibilité au carpocapse puisqu’il y a une différence hautement significative entre les variétés de pommier en termes de dégâts et d’infestation par le carpocapse des pommes et des poires (p ≤ 0,001). Certaines variétés sont beaucoup plus attaquées que d’autres et la tendance des dégâts a changé selon les dates d’observation (p ≤ 0,001). En juin, les variétés semi précoces et les variétés tardives ont connu la même tendance de dégâts, alors que les variétés précoces n’ont pas été endommagées. Par la suite, en juillet et août, les variétés semi précoces représentées par les Gala ont été très attaquées (notamment Obro Gala et Galaxy Gala). En septembre, ce sont les variétés Golden Delicious et Golden Smoothie qui ont été fortement attaquées. Au final, les variétés qui ont été le moins attaquées, tout au long des observations effectuées, sont les variétés précoces (Anna et Dorsett) et la variété Stark Delicious qui s’est démarquée par un pourcentage de dégâts faible par rapport aux autres variétés tardives (Fig. 3).

La sensibilité des variétés de pommier au carpocapse peut être influencée par plusieurs facteurs notamment le profil aromatique des pommes, leurs émissions volatiles {4} ainsi que les paramètres physicochimiques et biochimiques des fruits. Pour expliquer le comportement du carpocapse, nous nous sommes intéressés au stade de maturité des différentes variétés de pommier et aux paramètres physico-chimiques et biochimiques de la pomme. Les résultats des mesures pomologiques ont montré dans un premier temps qu’il y a une corrélation négative entre la taille (poids/diamètre) des pommes et le pourcentage d’attaque (r = -0,722**, r = -0,854**). Ceci pourrait expliquer la faible infestation des variétés précoces (Anna et Dorsett) dont les fruits ont été les plus larges et les plus gros en début de campagne. Il a été constaté également que les dégâts ont été corrélés positivement à la fermeté (r = 0,581*). En effet, notamment au cours du mois d’août, les variétés les plus fermes ont été les plus attaquées.  Ceci pourrait être expliqué par le fait que le carpocapse cherche des pommes encore fermes pour y effectuer son cycle et assurer son développement, chose qui lui serait difficile avec des pommes mûres prêtes à être récoltées. Ce constat illustre l’une des facultés adaptatives remarquables du carpocapse des pommes et des poires. Il est à noter que la variété Stark Delicious qui s’est distinguée avec un taux d’infestation bas par rapport aux variétés tardives et semi tardives, a enregistré un taux élevé de composés phénoliques. Ces derniers sont connus pour  agir comme mécanisme de défense chez les plantes {5}.

Conclusion

Les résultats relatés au niveau de cette étude montrent que les différentes variétés de pommier ne sont pas sujettes de la même façon aux attaques du carpocapse et qu’il y a bel et bien une préférence variétale. On pourrait également distinguer plusieurs groupes de variétés selon l’intensité de leur infestation. Ainsi certaines variétés peuvent se révéler très sensibles : cas des Galaxy Gala, Obro Gala et Golden Smoothee ; alors que d’autres ont bien toléré la présence du ravageur : cas des variétés Anna, Dorsett, et Stark Delicious. La fermeté, le poids et le diamètre de la pomme se sont révélés comme paramètres influençant les attaques du carpocapse et sa préférence pour certaines variétés. Ces résultats sont prometteurs et permettraient de proposer une nouvelle approche de lutte contre le carpocapse des pommes et des poires.

L’inclusion d’autres paramètres biochimiques tels que les flavonoïdes, l’activité anti-oxydante des pommes et les tanins dans des analyses futures pourrait également fournir une compréhension complète des facteurs impliqués dans la susceptibilité des variétés de pommes au carpocapse.

Références bibliographiques

1. Ministère de l’Agriculture, de la pèche Maritime, du Développement Rural et des Eaux et Forets. https://www.agriculture.gov.ma/fr (Consulter le 27/02/2023)

2. Cormier D, Pelletier F, Vanoosthuyse F, Chouinard G, Bellerose S, Aubry O. (2015). Lutter contre le carpocapse de la pomme par l’utilisation de nouveaux moyens à risqué réduit. Journéepomicoleprovinciale. Mont-Saint Grégoire.

3. El Iraqui, S & Hmimina, M. (2016). « Assessment of control strategies against Cydia pomonella (L.) in Morocco. » Journal of plant protection research

4. Vallat, A., & Dorn, S. (2005). Changes in volatile emissions from apple trees and associated response of adult female codling moths over the fruit-growing season. Journal of Agricultural and Food Chemistry53(10), 4083-4090.

5. Barbehenn, R. V., & Constabel, C. P. (2011). Tannins in plant–herbivore interactions. Phytochemistry, 72(13), 1551-1565.

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1 : Institute National de la Recherche Agronomique, CRRA Meknès.

2 : Faculté des Sciences Ibn Tofail, Kenitra.

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