LA GALLE DU COLLET CHEZ LA VIGNE : ETAT DES LIEUX ET PERSPECTIVES. Par Hiba Yahyaoui (1,2), Khaoula Habbadi (1) et Abdellatif Benbouazza (1)

Hiba Yahyaoui

Hiba Yahyaoui, PhD Student

Que ce soit pour la production de raisins de table, de cuve ou d’autres dérivés, la viticulture représente l’un des domaines agricoles les plus importants au monde en termes de surface cultivée et de rentabilité financière. Cependant, elle est soumise à diverses menaces biotiques, notamment la galle du collet. Cette maladie constitue un problème phytosanitaire grave, entraînant une baisse significative du rendement et peut entrainer dans certains cas la mort de la plante.

La galle du collet de la vigne est une maladie d’origine bactérienne caractérisée par la formation de tumeurs ou de galles sur les racines et le tronc. La principale bactérie pathogène responsable de cette maladie est encore fréquemment connue sous le nom d’Agrobacterium vitis mais a été reclassée dans le genre Allorhizobium [1-2]. Ces bactéries ne sont pathogènes que lorsqu’elles sont porteuses d’un plasmide inducteur de tumeur (pTi) qui abrite tous les gènes de virulence responsables de l’établissement et du développement développement de la tumeur.

L’infection d’un cépage sain commence généralement au niveau des blessures souvent causées par le gel hivernal, plaies de taille non badigeonnées, greffage et la grêle. Après l’infection initiale, les bactéries peuvent survivre d’une façon systémique dans le tissu vasculaire de la plante.  Après la blessure de la plante, A. vitis transfère la région ADN-T du plasmide bactérien inducteur de tumeur (pTi) à la cellule hôte, qui l’intègre ensuite dans le génome de la plante hôte. L’ADN-T inséré contient des gènes pour la biosynthèse des hormones de croissance des plantes. L’expression ultérieure des gènes de l’ADN-T entraîne une surproduction d’auxines et de cytokines, et conduit finalement à la formation anormale de galles dans la plante hôte. Cette transformation se traduit également par une production d’opines, composés spécifiques de la tumeur, qui servent de nutriments à A. vitis. L’invasion des tissus vasculaires par les galles peut entraîner la mort de la vigne [3-4].

Symptômes de la maladie

Le symptôme le plus répandu et le plus identifiable de l’infection par Allorhizobium est la formation de galles (figure 1). Bien que de nombreuses galles se forment au bas de la vigne au niveau du collet, elles peuvent apparaitre sur le tronc ou les sarments. La contamination par la bactérie entraîne une multiplication anarchique des cellules de la plante au niveau ou à proximité du site d’infection. Les jeunes tumeurs sont blanches à jaunâtres, plutôt rondes ou ressemblant à l’inflorescence d’un chou-fleur, spongieuses ou fermes. En vieillissant, elles deviennent brunes ou noires, se lignifient et fendent [5].

Figure 1: Tumeurs développées sur le collet des vignes malades, prises dans plusieurs parcelles visitées au Maroc. A, B et D : Red Globe, C : Muscat

Figure 1: Tumeurs développées sur le collet des vignes malades, prises dans plusieurs parcelles visitées au Maroc. A, B et D : Red Globe, C : Muscat

Gestion prophylactique

Il est difficile de contrôler la bactérie une fois introduite dans le tissu vasculaire de la plante hôte, aucun traitement efficace n’est disponible pour contrôler la maladie. En général, la lutte contre A. vitis repose essentiellement sur des techniques de prévention culturales, dont principalement :

  • La limitation des dommages mécaniques et des dommages causés par le gel
  • Le choix approprié du site pour les nouvelles plantations (sol, climat…).
  • La limitation des dégâts causés par les nématodes du sol. Des études ont montré que l’incidence de la galle du collet était positivement corrélée aux dommages causés par les nématodes à galles. Les producteurs doivent faire tester le sol des sites potentiels de vignobles pour le nématode à galles avant de planter. Les zones infestées par le nématode à galles doivent être évitées.

Si toutefois le vignoble est infecté, les mesures de gestion telles que le maintien du sol en jachère pendant de longues périodes ou la plantation de plantes non hôtes pour débarrasser les vignobles de la bactérie seront efficaces.

Il est essentiel d’adopter de bonnes pratiques sanitaires lors de l’élimination des vignes infectées, où il faut prendre soin d’enlever la plus grande partie possible du système racinaire de la plante [6-7-8].

Lutte biologique par antagonismes bactériens :

Bien que plusieurs préparations chimiques soient disponibles pour gérer la galle du collet causée par A. tumefaciens dans d’autres cultures, ces préparations se sont avérées inefficaces dans les essais sur le terrain contre A. vitis qui infecte la vigne. En conséquence, la recherche de solutions alternatives pour protéger les cultures a été imposée et a attiré une grande attention des chercheurs du monde entier. Parmi ces méthodes alternatives, le contrôle biologique par le biais de micro-organismes bénéfiques a pris une importance considérable. Ainsi, une équipe marocaine basée à l’INRA de Meknès a isolé des antagonistes de différentes régions du Maroc afin de proposer des solutions durables pour une gestion adéquate de cette maladie [9].

L’identification moléculaire des isolats sélectionnés, en utilisant le séquençage de l’ADNr 16S, a montré que les antagonistes appartiennent à différents genres comme Bacillus spp, Pantoea sp, Rahnella sp, Acinetobacter spp et Enterobacter sp. Quatre antagonistes ont été testés pour leur effet antagoniste in planta. Ces isolats ont montré une activité inhibitrice considérable pour réduire l’incidence de cette maladie sur plantes indicatrices [9].

Perspectives

Sur la base des résultats obtenus lors d’une recherche menée par l’équipe de protection des plantes du CRRA de Meknès, qui a mis en évidence le problème de la galle du collet de la vigne au Maroc, des perspectives de recherche ont été planifiées, incluant une thèse de doctorat en collaboration avec la FST de Mohammedia et dont les axes stratégiques sont :

  • Analyses phylogénétique des isolats sélectionnés et comparaison avec des populations précédemment isolées pour étudier l’évolution de la bactérie au Maroc ;
  • Isolement et identification de nouveaux antagonistes bactériens ;
  • Fournir un consortium microbien qui protège la vigne contre A.vitis par plusieurs mécanismes de défense : antibiose, parasitisme et induction du système immunitaire de la plante ;
  • Etude de l’efficacité in planta de ce consortium microbien sur les plants de vigne.

 

Références bibliographiques :

1. Mousavi, S. A., Osterman, J., Wahlberg, N., Nesme, X., Lavire, C., Vial, L., ¨ Paulin, L., de Lajudie, P., and Lindstrom, K. 2014. Phylogeny of the ¨ Rhizobium-Allorhizobium-Agrobacterium clade supports the delineation of Neorhizobium gen. nov. Syst. Appl. Microbiol. 37:208-215.

2. Mousavi, S. A., Willems, A., Nesme, X., de Lajudie, P., and Lindstrom, K. 2015 Revised phylogeny of Rhizobiaceae: Proposal of the delineation of Pararhizobium gen.

3. Andrea Pitzschke Heribert Hirt , 2010 New insights into an old story: Agrobacterium-induced tumour formation in plants by plant transformation .

4. Burr, T.J.; Bazzi, C.; Süle, S.; Otten, L . Plant Dis. 1998, 82, 1288–1297. Crown gall of grape: Biology of Agrobacterium vitis and the development of disease control strategies.

5. Jennifer Olson Crown Gall of Grape (Assistant Extension Specialist/Plant Disease Diagnostician): https://extension.okstate.edu/fact-sheets/print-publications/epp-entomology-and-plant-pathologhy/crown-gall-of-grape-epp-7669.pdf

6. Agriculture: Grape Pest Management Guidelines ; Crown Gall : https://www2.ipm.ucanr.edu/agriculture/grape/Crown-Gall/

7. Diana Vizitiu ,Liviu Dejeu, Ion Radulescu, Carmen Florentina Popescu ,2010. Preventing and limiting the spread of crown gall in vineyards .

8. Thomas Todaro; Laura Miles; Mark Longstroth, MSU Extension; and Timothy Miles, April 29, 2019Managing grapevine crown gall .

9. Khaoula Habbadi ,Rachid Benkirane , Abdellatif Benbouazza , Abdelaaziz Bouaichi, Ilyass Maafa , David Chapulliot , El Hassan Achbani. 2015 Biological Control of Grapevine Crown Gall Caused by Allorhizobiumvitis using Bacterial Antagonists

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(1) : INRA Meknès – (2) : FST Mohammedia

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