
Mohammed Yahbi, PhD Student (INRA Meknès-FS Meknès)
La culture du colza peut constituer une bonne alternative pour diversifier et intensifier le secteur des oléagineux annuels. C’est une culture qui peut s’insérer facilement dans l’assolement, constituant une excellente tête de rotation et possédant un potentiel de productivité très important qui peut dépasser 30 q ha-1 (Nabloussi, 2015). La superficie occupée par cette culture connait une augmentation d’une année à l’autre, avec une moyenne aux alentours de 10.000 ha durant ces dernières années. Cependant, le rendement moyen reste très faible ne dépassant pas 10 q ha-1 (FOLEA, 2020). Son amélioration pourra contribuer à améliorer le niveau de sécurité alimentaire en huiles de table. Un des champs d’action les plus importants est la bonne gestion de la fertilisation qui doit viser une amélioration de l’efficience d’utilisation des éléments nutritifs, principalement l’azote. Afin d’avoir une bonne adaptation de la fertilisation aux risques climatiques de plus en plus élevés qu’affrontent les agriculteurs, notamment dans les zones bour.
La fertilisation azotée constitue, en effet, l’un des facteurs les plus importants qui
affectent la croissance et le rendement du colza (Lin et al, 2020). C’est une culture très exigeante par rapport aux autres cultures telles que les céréales, en particulier pour les intrants azotés (Rathke et al, 2005). Malgré sa capacité élevée d’absorption de l’azote, il montre une faible capacité à utiliser l’azote disponible pour produire des graines, ce qui représente une faible efficience d’utilisation d’azote (NUE), environ la moitié de celle des céréales (Sylvester-Bradley et Kindred 2009). Cette faible NUE chez le colza peut être due à la complexité de l’élaboration du rendement de celle-ci, liée aux intersections de l’efficience d’absorption et de remobilisation de l’azote tout au cours de cycle de développement. Alors, l’amélioration du rendement en graines avec un niveau de nutrition faible en azote est une première étape vers l’amélioration de l’NUE (Good et al, 2004). Cependant, le principal inconvénient de cet indicateur est qu’il s’agisse d’une variable complexe intégrant tous les processus liés à l’absorption et la remobilisation de l’azote chez la plante au cours de son cycle de développement.
La production compétitive de la culture du colza dépend essentiellement d’une
application adéquate d’azote. Le choix de la dose, de la source et du moment correct de
l’application d’engrais azoté est donc un aspect important pour une production réussie de colza. Ce choix dépend de plusieurs facteurs tels que les conditions climatiques, la disponibilité de l’azote dans le profil du sol et surtout les caractéristiques génétiques des variétés (Zhang et al, 2010).
C’est dans ce contexte que vient s’insérer cette étude dont l’objectif est d’évaluer la réponse de variétés de colza à la fertilisation azotée afin d’identifier la ou les variétés les plus efficientes en termes d’utilisation de l’azote et de déterminer la dose d’azote la plus adéquate pour la culture du colza dans la région d’étude.
Matériels et méthodes

Tableau 1 : Origine et type des différentes variétés de colza étudiées
Six variétés de colza, dont cinq marocaines (Narjisse, Moufida, Alia, Adila et Lila) et une variété hybride commerciale (Tableau 1), ont été testées sous six traitements azotés : N0 (sans application d’azote), N30 (30 kg N ha-1 apportés au semis), N60 (répartis en 30 kg N ha-1 au semis et 30 kg N ha-1 au stade rosette), N90 (répartis en 30 kg N ha-1 au semis, 30 kg N ha-1 au stade rosette et 30 kg N ha-1 à la floraison), N120 (répartis en 30 kg N ha-1 au semis, 60 kg N ha-1 au stade rosette et 30 kg N ha-1 à la floraison) et N150 (répartis en 30 kg N ha-1 au semis, 60 kg N ha-1 au stade rosette et 60 kg N ha-1 à la floraison). L’essai a été installé au champ au niveau de la parcelle d’expérimentation de la Ferme Pédagogique et de Recherche de l’Ecole Nationale d’Agriculture de Meknès durant les campagnes agricoles 2018/19 et 2019/20. Le dispositif expérimental adopté est un split-plot, avec trois répétitions, où le traitement azoté est affecté à la grande parcelle alors que la variété est assignée à la petite parcelle.

Photo 1 : photo de l’essai au stade rosette et début montaison (Yahbi, le 31/01/2020)

Figure 1 : Rendement en graines des six variétés de colza en fonction de l’apport d’azote (Moyennes des deux années).
L’analyse statistique de la variance a montré un effet très hautement significatif de l’année, de la dose d’azote et de la variété sur le rendement en graines. Cependant, l’interaction variété * azote n’a pas eu d’effet significatif sur ce paramètre. La figure 1 montre le rendement des six variétés de colza en fonction de la dose d’azote apportée. Les résultats obtenus montrent que le rendement en graines du colza est influencé positivement par l’apport azoté. En d’autres termes, le rendement s’élève en augmentant la dose d’azote apportée pour atteindre son maximum suite à l’application de la dose de 120 kg N ha-1 chez toutes les variétés étudiées.
Toutes variétés confondues, le rendement a été amélioré de 99,94% en passant de N0 à N120. En fait, le plus faible rendement est de l’ordre de 12,56 q ha-1, a obtenu dans les parcelles sans fertilisation azotée, alors que le meilleur rendement a été de l’ordre de 25,12 q ha-1, observé pour un apport de 120 kg N ha-1.
Quel que soit le traitement azoté, la variété Lila a eu le plus faible rendement, avec une moyenne de 17,46 q ha-1, alors que la variété Moufida a produit, en moyenne, le rendement le plus élevé (22,07 q ha-1), suivie de la variété commerciale (20,35 q ha-1), puis des autres variétés, Adila, Alia et Narjisse, avec une productivité moyenne respective de 19,96, 19,36 et 19,17 q ha-1.
Les résultats de la présente étude sont en accord avec ceux de He et al. (2017) qui ont rapporté que le rendement en graines par plante a été significativement affecté par le génotype et la dose d’azote, mais pas par leur interaction.
La teneur en huile
La variation de la teneur en huile des six variétés étudiées en fonction de la dose d’azote apportée est montrée au niveau de la figure 2. Les résultats obtenus indiquent clairement que la teneur en huile des graines de toutes les variétés diminue avec l’augmentation de l’apport d’azote.

Figure 2 : Teneur en huile moyenne des six variétés de colza en fonction de l’apport d’azote (Moyennes des deux années).
L’année, la variété et le traitement azoté ont eu un effet significatif sur la teneur en huile chez le colza, alors qu’aucun effet significatif n’a été enregistré pour l’interaction variété * azote. La teneur en huile, toutes variétés confondues, a eu une variation décroissante de 40,06% pour N0 à 37,78% pour N150.
La teneur en huile moyenne a varié de 36,92% chez la variété commerciale à 40,24% chez Lila. Les variétés Adila, Alia et Moufida sont comparables à Lila, avec une teneur moyenne de l’ordre de 40%, alors que Narjisse a enregistré une teneur de 38,22%.
Ces résultats sont en concordance avec ce qui a été rapporté dans des études antérieurs (Balint and Rangel, 2008; Bouchet et al, et al, 2014) ayant montré que le génotype du colza et l’apport azoté affectent significativement la teneur des graines en azote en huile, avec une diminution de cette dernière suite à l’augmentation de la dose d’azote. Ils ont mentionné que cette diminution de la teneur en huile est le résultat de l’augmentation de la teneur des graines en azote.

Photo 2 : Photo de l’essai au stade de floraison sous le traitement azoté N90 (Yahbi, 22/04/2020)
Conclusion
L’étude a montré une variabilité génétique en termes de réponse à l’apport azoté, pouvant être exploitée dans la sélection de la ou les variétés les plus efficientes en azote. L’effet de la fertilisation azotée se traduit par un rendement en graines significativement élevé à partir d’un apport de 90 Kg N ha-1, pour toutes les variétés, pour atteindre les valeurs maximales suite à l’application de 120 Kg N ha-1. Ce traitement pourrait donc être recommandé pour la culture du colza dans la région du Saïs. D’autre part, il ressort de cette étude que la variété Moufida est la plus productive et efficiente, en s’adaptent le mieux aux conditions environnementales de cet essai.
Références bibliographiques
Balint, T., & Rengel, Z. (2008). Nitrogen efficiency of canola genotypes varies between vegetative stage and grain maturity. Euphytica, 164(2), 421–432. https://doi.org/10.1007/s10681-008-9693-6
Bouchet, A. S., Nesi, N., Bissuel, C., Bregeon, M., Lariepe, A., Navier, H., Ribière, N., Orsel, M., Grezes-Besset, B., Renard, M., & Laperche, A. (2014). Genetic control of yield and yield components in winter oilseed rape (Brassica napus L.) grown under nitrogen limitation. Euphytica, 199(1–2), 183–205. https://doi.org/10.1007/s10681-014-1130-4
FOLEA (2020). Statistiques de superficies et rendements de la culture du colza au Maroc.
Good, A.G., Shrawat, A.K., Muench, D.G., (2004). Can less yield more? Is reducing nutrient input into the environment compatible with maintaining crop production? Trends Plant Sci. 9, 597–605. doi:10.1016/j.tplants.2004.10.008
He, H., Yang, R., Li, Y., Ma, A., Cao, L., Wu, X., Chen, B., Tian, H., & Gao, Y. (2017). Genotypic variation in nitrogen utilization efficiency of oilseed rape (Brassica napus) under contrasting N supply in pot and field experiments. Frontiers in Plant Science, 8(October), 1–15. https://doi.org/10.3389/fpls.2017.01825
Lin, Y., Watts, D. B., Torbert, H. A., & Howe, J. A. (2020). Influence of Nitrogen Rate on Winter Canola Production in the Southeastern Influence of nitrogen rate on winter canola production in the southeastern United States. February. https://doi.org/10.1002/agj2.20197
Nabloussi, A. (2015). Amélioration génétique du colza: enjeux et réalisations pour un
développement durable de la filière. Édition INRA/DIC.
Raman, H., Uppal, R. K., & Raman, R. (2019b). Genetic Solutions to improve resilience of canola to climate change. In C. Kole (Ed.), Genomic designing of climate-smart oilseed crops (pp. 75–131). Cham: Springer International Publishing.
Rathke, G. W., Christen, O., & Diepenbrock, W. (2005). Effects of nitrogen source and rate on productivity and quality of winter oilseed rape (Brassica napus L.) grown in different crop rotations. Field crops research, 94(2-3), 103-113.
Sylvester-Bradley, R., & Kindred, D. R. (2009). Analysing nitrogen responses of cereals to prioritize routes to the improvement of nitrogen use efficiency. Journal of experimental botany, 60(7), 1939-1951.
Zhang, C. L., Li, J., Yu, L. P., Li, F., & Ma, N. (2010). Input/output analysis on rapeseed production practices under different cultivation mode (in Chinese). Chinese Journal of Oil Crop Sciences, 32(1), 57–64.
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(1) : INRA, Centre Régional de la Recherche Agronomique de Meknès
(2) : UMI, Département de Biologie, Faculté des Sciences de Meknès
(3) : ENA Meknès, Département d’Agronomie et d’Amélioration de Plantes