
Dr Rachid Razouk, chercheur en agrophysiologie des arbres fruitiers et de l’olivier, URAPV – CRRA Meknès
La qualité des figues, ou des fruits en général, recouvre des composantes commerciales, organoleptiques, sanitaires et nutritionnelles dont la hiérarchisation peut varier selon les opérateurs au sein de la filière et en fonction de l’utilisation finale : consommation en frais ou valorisation agro-industrielle. La catégorisation ou l’évaluation de ces quatre composantes de qualité des fruits passe à travers des mesures morphologiques, des relevés physico-chimiques et des analyses biochimiques. Ces derniers interviennent particulièrement dans l’identification des attributs de qualité organoleptique et nutritionnelle dont l’élaboration est la résultante du potentiel génétique de la variété, des conditions du milieu et de l’itinéraire technique. Dans cette optique, des mesures physico-chimiques et biochimiques ont été réalisées sur une collection de 135 cultivars de figuier, dont 89 clones locaux et 46 variétés étrangères, à la maturité commerciale. Elles ont concerné la couleur de l’épiderme, identifiée visuellement et par colorimétrie (indices L*, a*, b*, c* et h*), le degré Brix, l’acidité titrable, l’indice de maturité (degré Brix/acidité titrable), l’activité antioxydante et les teneurs totaux en composés bioactifs, à savoir : les sucres solubles, les composés phénoliques, les flavonoïdes, les anthocyanines et les proanthocyanidines.
La couleur de l’épiderme est un critère de qualité qui permet de segmenter les variétés en plusieurs catégories auxquelles les consommateurs, ou les agro-industriels, peuvent facilement se raccrocher.
Sur les 135 cultivars de figuier, neuf catégories de couleur ont été identifiées visuellement, à savoir : jaune (8 génotypes), vert-jaune (32), vert-claire (31), vert (7), marron-verte (18), marron (6), pourpre (15), bleu-violette (13) et noire (5). Les coordonnées colorimétriques L*, a*, b*, c* et h* montrent une grande variabilité de la couleur de fond des épidermes, mais sans faire ressortir clairement la variabilité observée visuellement. Ceci est dû à l’existence d’une multitude de graduations de couleurs au sein du même fruit. Ce résultat montre l’intérêt de classer les couleurs de fond des figues visuellement plutôt qu’avec l’utilisation des coordonnées numériques colorimétriques. En effet, ces dernières ne permettent pas une distinction précise entre les catégories de couleurs et donc de constituer des lots homogènes de variétés. En revanche, l’évaluation visuelle permet de segmenter les différentes figues de la collection en neuf catégories de couleurs, facilement identifiables.

Figure 1 : Répartition des génotypes de figuier en classes de degré Brix
La douceur du fruit est déterminée par l’équilibre entre le degré Brix et l’acidité titrable. La variation génotypique du degré Brix est très grande, allant de 8,5 à 47,6% suivant les cultivars. Les génotypes les plus sucrés de la collection sont Ghoudan_PS1, Ounq Hmam_PS14 et INRA 2307 dont le degré Brix dépasse 30%, avec une moyenne de 36,9%. Le niveau de sucrosité le plus bas (inférieur à 10%) a été enregistré pour la variété étrangère Conadria. Entre ces deux extrêmes, il est noté que les classes de degré Brix dominantes ont été 15-20% et 20-25%, renfermant 48 génotypes chacune (figure 1). De même, l’acidité titrable a varié amplement en fonction des cultivars, allant de 0,1 à 1,7%, soit du simple à 17 fois. Toutefois, l’ensemble des valeurs enregistrées restent relativement faibles, faisant classer les cultivars comme non à peu acidulés.
La teneur des figues en sucres solubles totaux (SST) est déterminante de leur qualité gustative. Il s’agit d’un indicateur important de la qualité des figues destinées au séchage. Comparativement au degré Brix, sa variation au sein de la collection a été relativement moindre, allant de 10,1 à 15,1 mg/g MS. Les génotypes les plus riches en SST, dépassant 14 mg/g MS, sont les clones locaux Zerqui_PS5, Rhoudane 2227, El Quoti Lbied_PS3 et Tena 2.

Figure 2 : Répartition des génotypes de figuier en classes de teneur en polyphénols totaux
La qualité organoleptique des figues est influencée également par leur richesse en composés phénoliques, impliqués particulièrement dans l’élaboration du parfum et l’astringence. L’analyse de ces composés prennent de plus en plus une importance croissante dans l’évaluation de la qualité des fruits de part leur rôle d’antioxydants naturels. L’analyse de ces composés a concerné leur teneur totale ainsi que leurs principales fractions, à savoir : les flavonoïdes, les anthocyanines et les proanthocyanidines. La richesse des figues en ces composés dépasse la valeur de 100 mg EAG/g MS chez 72% des génotypes, avec une certaine dominance de la classe 100-200 mg EAG /g MS regroupant presque la moitié de la collection (figure 2). Les concentrations les plus élevées en ces composés (plus de 300 mg EAG /g MS) ont été observées chez la variété étrangère White adriatic et le clone local INRA 2304. Notons que ces deux cultivars sont les plus riches en flavonoïdes (plus de 100 mg EC /g MS), alors que les plus riches en anthocyanines sont les trois clones locaux Ghoudan_PS17, INRA 2105 et INRA 1302 ainsi que la variété étrangère Burjasot Blanca, avec des concentrations dépassant 40 mg/100g MS. Cependant, la teneur la plus élevée en proanthocyanidines a été observée chez le génotype local Lamandar noir, avec une moyenne de 8.51 mg/100g MS.

Quelques clones locaux et variétés étrangères de figuier de qualité particulière
Ce travail de caractérisation a permis de quantifier la variabilité génotypique au sein de 135 clones locaux et variétés étrangères de figuier en collection à l’INRA de Meknès en termes de coloration de l’épiderme du fruit et de certains de ses principaux paramètres biochimiques. La variation des valeurs enregistrées pour l’ensemble des paramètres a été très grande, indiquant l’existence de plusieurs classes en termes de qualité organoleptique et nutritionnelle des figues. En plus de la mise en évidence de l’importance de la variabilité génétique du figuier pour les critères étudiés, cette étude a permis d’établir une base de données de grand intérêt, utilisable pour la sélection variétale, l’élaboration d’un catalogue variétale de référence, le renforcement des projets de différenciation de variétés à travers l’identification de signes distinctifs de qualité et l’orientation du choix variétal, aussi bien pour la consommation en frais que pour la valorisation agro-industrielle.