Le Maroc est soumis, à l’instar des autres pays importateurs, aux risques de sécurité alimentaire résultant de sa forte dépendance à l’égard des importations de céréales. Le volume des importations ne cesse d’augmenter malgré des productions nationales record ces dernières années. Le pays gagnerait à investir davantage dans la recherche scientifique agricole pour une optimisation de la filière et pour assurer des productions nationales de bonne qualité et par voie de conséquence, réduire les importations des céréales qui pèsent de plus en plus sur la balance commerciale.
L’importance de la filière céréalière au Maroc est bien démontrée par sa contribution au PIB agricole (plus de 20%), l’étendue de son occupation des sols (plus de 5 millions ha), sa contribution à la satisfaction des besoins de la population et du cheptel et son poids socioéconomique. Les rouilles et la cécidomyie sont deux principales contraintes biotiques qui entravent la production des blés au Maroc. La sécheresse est le stress abiotique le plus important pour l’agriculture pluviale, affectant la production agricole et limitant l’expression du potentiel du rendement et de sa stabilité.
Dans la région méditerranéenne, la sécheresse se manifeste par des périodes de plus en plus longues et plus fréquentes avec une grande variabilité intra et inter annuelle des régimes des précipitations et des températures. Au Maroc, la tendance prévue à la baisse des précipitations et à la hausse des températures risquent de compromettre la sécurité alimentaire du pays. Le rendement constitue généralement le principal critère de sélection pour la tolérance à la sécheresse, car il intègre automatiquement tous les facteurs connus et inconnus qui y contribuent. Toutefois, la complexité du phénomène de sécheresse (timing, intensité, étendue), la complexité des mécanismes de réponses de la plante, la taille du génome du blé et l’interaction génotype x environnement rendent difficile la sélection efficiente des meilleurs génotypes.
2. Les principaux acquis en matière de recherche sur les céréales : cas des variétés
L’Institut National de la Recherche Agronomique (INRA) a développé des variétés supérieures et adaptées aux conditions environnementales nationales et continue toujours à le faire. Malgré, l’introduction de plusieurs variétés étrangères ces dernières années, les variétés nationales restent les plus adaptées car elles ont été sélectionnées dans les conditions locales. L’INRA met à la disposition de la filière céréalière 111 variétés ciblant différentes zones agro-écologiques et répondant aux exigences de qualité, de résistance aux maladies et insectes ravageurs et de productivité. Les tableaux ci-après donnent un aperçu sur les dernières obtentions de l’INRA. Malheureusement, un grand nombre de variétés sont développées mais on ne les retrouve pas dans le marché. Par conséquent, le transfert du potentiel génétique à l’agriculteur marocain est retardé et ce n’est qu’après plusieurs années qu’on peut retrouver ces variétés au niveau de l’exploitation agricole, une fois peut être que la résistance est cassée ou bien le potentiel de rendement n’est plus important.
2.1. Variétés de blé dur cédées à la SONACOS depuis 2014 et non encore disponibles sur le marché :
2.2. Variétés de céréales inscrites au Catalogue Officiel non encore cédées à un multiplicateur de semences :
L’efficience des programmes de sélection est appuyée par le développement d’un certain nombre de marqueurs moléculaires d’intérêt. Ne citant que quelque cas comme pour la septoriose pour laquelle on a l’identification de 18 marqueurs associés aux gènes Stb de résistance et un nouveau marqueur (avec 2 allèles 133 et 150bp) lié au gène Stb2. Pour la rouille brune, les gènes ont été classés selon la résistance au stade plantule : Lr19/Sr25, Lr21, Sr39, Sr4 et la résistance au stade adulte : Lr34/Yr18/Pm38 ; Lr46/Yr29 ; Lr67/Yr46 ; Lr68 et Lr72. Et pour développer un matériel génétique de bonne qualité technologique, l’équipe a procédé à l’identification et validation des marqueurs moléculaires associés aux paramètres de qualité. En plus de la création variétale, des progrès ont été réalisées en matière de conduite technique : maitrise de la fertilisation, maitrise de la lutte contre les mauvaises herbes et contre les maladies.
3. Perspectives de recherche
En plus des conditions climatiques, l’autre ingrédient d’une bonne campagne céréalière est le respect, par les agriculteurs, d’un itinéraire technique approprié. En effet, pendant la campagne agricole 2018-2019 et sous les mêmes conditions climatiques (sècheresse d’environ deux mois) les agriculteurs ayant adoptés un bon itinéraire technique ont réalisé des rendements de plus de 30 qx/ ha comparés aux parcelles n’ayant pas adopté l’itinéraire recommandé et qui n’ont guère dépassé les 10 à 15 qx/ha. L’encadrement permettrait de maximiser les rendements considérablement. La seule contrainte pour l’amélioration de la productivité au niveau national reste le transfert et l’adoption des acquis de recherche en matière de nouvelles variétés et la conduite technique (Fertilisation, technique de semis direct). Il est donc recommandé de :
3.1 Améliorer le taux d’adoption
Les dix premières variétés qui sont cultivées actuellement et avec un taux d’emblavure de plus de 92% de la surface totale des blés ont au moins 16 années d’existence. Les 4 variétés les plus utilisées actuellement sont des variétés très anciennes et qui ont plus de 25 ans à savoir : Achtar, Marchouch, Amal et Karim. Parmi les facteurs qui affectent l’adoption, on peut citer : (i) la distance de commercialisation des semences (négative), (ii) les semences certifiées ou non (positive), (iii) la semence d’une société de commercialisation des semences agrée (+) et (iv) l’attachement des agriculteurs (plus de 55%) à des variétés qui existent depuis plus de 20 ans.
3.2 Atténuer les effets des changements climatiques
L’atténuation des effets de changements climatiques peut se faire à travers plusieurs mesures ; la première action est la sélection pour un bon potentiel de rendement et une bonne stabilité, ensuite le renforcement de la résistance/tolérance à la sècheresse. Les variétés ainsi développées doivent combiner la résistance aux principales maladies notamment la cécidomyie, les rouilles (notamment jaune), et la séptoriose. En matière d’itinéraire technique, il faut améliorer la séquestration du carbone à travers des mesures comme l’agriculture de conservation et finalement, les programmes de sélection doivent donner plus d’importance aux activités de prébreeding : croisement interspécifiques pour la résistance aux stress biotiques et abiotiques avec l’utilisation des espèces relatives comme des parents.
Enfin, on recommande d’améliorer l’accès des agriculteurs aux nouvelles obtentions nationales aussitôt que possible (3-4 années après inscription maximum). La tutelle doit appuyer les programmes nationaux (adaptation de la variété nationale) et l’INRA doit proposer 2 à 3 variétés adaptées par zone agroclimatique (carte variétale) et encourager la multiplication à grande échelle de ces variétés par bassin de production (irrigué (Tadla, Gharb), bour favorable, montagne) et l’identification des bassins de production pour sécuriser un volume de production adéquat avec des lots communs pour la transformation industrielle, chose qui fait défaut actuellement.