La conservation et la gestion des ressources phytogénétiques locales et étrangères est l’une des principales missions de l’Institut National de la Recherche Agronomique (INRA). De ce fait, une vingtaine d’espèces fruitières sont en conservation dans des collections ex-situ à travers les différents domaines expérimentaux de l’INRA.
Les ressources génétiques représentent un énorme réservoir de gènes et de caractères à exploiter dans les schémas de sélection. Tout programme d’amélioration génétique, pour toute espèce, est fondé dans un premier temps sur la variabilité génétique contenue dans le germoplasme. Par ailleurs, la nécessité de satisfaire les besoins alimentaires a poussé la recherche agronomique vers de nouveaux programmes d’amélioration génétique et de sélection. Ainsi, l’agriculture est passée d’un mode traditionnel, exercé dans des agro-écosystèmes vivriers, à un mode intensif basé le plus souvent sur des cultures monovariétales. Toutefois, l’étroite base génétique des variétés cultivées constitue un obstacle majeur au maintien de la productivité en raison de la vulnérabilité des variétés génétiquement uniformes aux nouveaux stress biotiques et abiotiques.
L’olivier est l’une des plus anciennes espèces fruitières étudiées à l’INRA. Vu l’importance socio-économique du secteur à l’échelle nationale et dans l’objectif de répondre aux attentes de la filière, différents programmes ont été réalisés visant, entre autres, la collecte et la conservation du matériel local, l’introduction et l’étude de comportement des variétés étrangères et la réalisation de croisements afin d’améliorer les variétés déjà existantes.
I. Les collections des ressources génétiques de l’olivier à l’INRA
Trois types de collections sont installées aux domaines expérimentaux de l’INRA, particulièrement aux domaines d’Ain Taoujdate (CRRA-Meknès), de Tassaoute et d’Essâada (CRRA-Marrakech) qui sont : i) des collections de variétés étrangères ; ii) des collections de ressources génétiques locales et iii) des collections de populations hybrides issues de croisements.
Concernant les variétés étrangères, l’INRA dispose de deux collections mondiales. La première est installée depuis les années 50, au domaine expérimental d’Ain Taoujdate, avec 78 variétés provenant de 9 pays et la deuxième au domaine expérimental de Tassaoute installée en 2002, sous l’égide du Conseil Oléicole International dans le cadre du projet ResGen-T96/97, avec 580 accessions correspondant à 350 variétés bien identifiées et issues de 14 pays méditerranéens. Les deux collections ont été caractérisées moyennant des marqueurs moléculaires et des caractères liés aux fruits et aux endocarpes. L’objectif de cette caractérisation est double : rectifier les dénominations et révéler les cas de synonymie et de variants somaclonaux, d’une part, et contribuer à l’établissement d’une base de données sur la situation des ressources oléicoles à l’échelle méditerranéenne, d’autre part. La caractérisation a révélé des résultats intéressants sur l’importance de la diversité génétique de la collection mondiale de Marrakech à l’échelle méditerranéenne en comparaison à celle de la collection mondiale de Cordoue-Espagne installée depuis les années 70.
Le deuxième type de collections comprend les ressources génétiques oléicoles locales. A cet effet, des efforts ont été déployés par différents chercheurs (Meknès et Marrakech) qui ont mené plusieurs prospections, en tenant compte du savoir local des paysans, afin de collecter et conserver du matériel végétal à fort potentiel adaptatif. Les efforts ont permis de mettre en place des collections nationales références représentatives de la diversité oléicole locale comprenant à la fois des oliviers différents de la Picholine marocaine, sur le plan morphologique et moléculaire, et des variétés mineures connues à savoir ; Bouchouk, Bouchouika, Fakhfoukha, Meslala, Hamrani…etc. A titre d’exemple, la collection d’Ain Taoujdate contient plus de 60 accessions collectées dans différentes zones au Nord du Maroc dont l’évaluation agronomique est en cours pour la sélection de variétés performantes et adaptées aux conditions de culture pluviale.
Le troisième type concerne la collection de populations hybrides. Il s’agit d’une collection de plus de 1600 arbres, installée au domaine expérimental de Tassaoute, issue de 4 différents croisements dont la picholine marocaine et ses clones (Menara et Haouzia) sont croisés avec 4 variétés étrangères ayant des caractéristiques appréciées par les oléiculteurs qui sont : Arbequine, Leccino, Picholine de Languedoc et Manzanille de Sevilla. Les premières sélections ont permis de choisir et proposer cinq nouvelles variétés au catalogue officiel ; Mechkat, Dalia, Tassaoute, Baraka et Agdal qui présentent certaines caractéristiques agronomiques plus performants que celles des parents. D’autres travaux sont en cours de réalisation par l’équipe du CRRA-Marrakech afin de sélectionner d’autres génotypes performants en ciblant plusieurs critères à savoir ; une faible vigueur, un rendement élevé et stable, la résistance/tolérance aux maladies et ravageurs, une bonne qualité de l’huile, etc.
II. Valorisation des ressources génétiques dans le programme d’amélioration de l’olivier
L’importance des ressources génétiques oléicoles est incontestable pour le programme d’amélioration génétique. En effet, la variabilité, aussi bien au niveau des gènes qu’au niveau des caractères, au sein des collections représente un atout à exploiter par les chercheurs afin de valoriser la diversité génétique tout en répondant aux différents défis du secteur en particulier la diversification de la gamme variétale existante et la mise au point de nouvelles variétés plus adaptées aux conditions du pays. Deux aspects majeurs sont à considérer dans l’exploitation et la valorisation de la diversité génétique existante dans les collections de l’INRA :
II.1. Sélection directe de nouvelles variétés
L’INRA a toujours œuvré pour la sélection de nouvelles variétés adaptées aux conditions locales. Cette mission reste une priorité pour le programme d’amélioration génétique porté par ses équipes de recherche ; notamment celles de Meknès et Marrakech. D’ailleurs, deux clones de la Picholine marocaine (Menara et Haouzia) ont été sélectionnés par l’INRA à partir du matériel local et cinq variétés ont été récemment proposées pour l’inscription au catalogue officiel. Ces programmes de sélection prennent en considération différents critères à savoir le rendement et la stabilité de la production, la teneur et la qualité de l’huile et l’adaptation au changement climatique. A titre d’exemple, le programme de sélection conduit au CRRA-Meknès et dont l’objectif est la sélection de nouveaux génotypes à partir des prospections réalisées dans la partie Nord du Maroc, a mis en évidence des résultats prometteurs par la présélection de deux génotypes plus performants que la variété Picholine marocaine sur différent plans : une entrée précoce en production (à partir de la 3éme année), la stabilité du rendement, la teneur en huile et bien d’autres critères. De même, d’autres génotypes sont en phase de sélection ayant montré une tolérance à la sécheresse en se basant sur les niveaux de rendement, de croissance végétative et de floraison.
II.2. Etude du déterminisme génétique des caractères d’intérêt agronomique
Le déterminisme génétique des caractères d’intérêt agronomique, ou les relations gènes-caractères, peut être abordé par l’étude de populations en ségrégation (ou populations hybrides), la cartographie de liaison ou QTL (Quantitative Traits Loci), mais aussi par l’étude de génotypes non-apparentés par la génétique d’association (association mapping). Malgré son importance, les études du déterminisme génétique des caractères agronomiques chez l’olivier demeurent au stade préliminaire. Grâce aux avancées technologiques dans le séquençage haut-débit, la recherche du mécanisme génétique des caractères permettra dans un avenir proche d’aborder la sélection génomique en permettant la sélection de génotypes performants à des stades précoces tout en limitant les essais d’évaluation aux champs. De ce fait, la caractérisation moléculaire des collections d’olivier a permis de mettre en place des dispositifs génétiques adéquats pour mener des travaux à long-terme sur la génétique d’association gène/caractère chez l’olivier pour une meilleure valorisation de la diversité existante. De ce fait, une « core collection » a été établie dans le cadre des travaux précédents permettant la capture de toute la diversité contenue dans les collections avec le minimum de variétés possibles. Cette « core collection » est en cours d’installation dans deux sites contrastés ; Meknès et Marrakech, dans le cadre du Méga-projet Olivier 2017-2020 pour une évaluation agronomique afin de : i) détermine l’héritabilité et par conséquent l’effet de l’environnement sur l’expression des caractères et ii) localiser les gènes impliqués ou liés à l’expression des caractères. Dans ce sens, la collection des populations hydrides va servir, dans le cadre d’un projet européen (BiorEsources For OlivicultuRe ; BEFORe, projet N. 645595) dont l’INRA est partenaire, à développer une carte génétique dense et consensus de l’olivier moyennant le génotypage par séquençage (Genotyping By Sequencing). Ceci mettra en place un outil précieux, déterminant et incontournable pour répondre à la question de recherche liée au déterminisme génétique des caractères d’intérêt agronomique et adaptatif.
III. Conclusion
Les travaux de caractérisation réalisés sur les collections d’olivier montrent une diversité génétique élevée soulignant l’importance de ces ressources génétiques dans le programme d’amélioration génétique conduit à l’INRA. Il ressort clairement l’importance des plateformes disponibles pour les activités de recherche menées sur l’olivier à l’échelle nationale mais aussi en collaboration avec d’autres partenaires à l’échelle internationale. Toutefois, d’autres points sont à prendre en considération à savoir : (i) compléter les collections mondiales par d’autres ressources génétiques manquantes à savoir celles de l’Iran, de la Turquie, de la France et de la Jordanie ; (ii) mettre en place une seule collection nationale référence à partir des différentes collections installées à Marrakech et Meknès et éditer un catalogue des ressources oléicoles locales et finalement (iii) exploiter l’olivier sauvage (oléastre ou Berri) à travers sa collecte et sa valorisation en tenant compte de la diversité contenue au sein de ce pool génétique et de son potentiel d’adaptation aux conditions locales face aux changements climatiques qui constituent un nouveau défi à prendre en considération en oléiculture.