Performance et qualité des semences de cultivars de tournesols marocains et espagnols utilisés pour la grignotine ou graines de bouche. Par Dr Abdelghani NABLOUSSI et Mohamed El Fechtali

Dr Abdelghani Nabloussi, Amélioration génétique des oléagineux annuels, Coordinateur de l’URAPCRG - CRRA Meknès

Dr Abdelghani Nabloussi, Amélioration génétique des oléagineux annuels, Coordinateur de l’URAPCRG – CRRA Meknès

Environ 10% des graines de tournesol produites chaque année dans le monde sont utilisées à des fins non oléagineuses, principalement pour la confiserie et les grignotines (tournesol de bouche), ainsi que pour l’alimentation d’oiseaux et d’animaux de compagnie. Les graines de tournesol entrant sur les marchés non oléagineux proviennent à la fois de cultivars de type confiserie et de cultivars de type oléagineux. Les cultivars de type confiserie sont caractérisés par de grands achènes noirs (ou gris) et à rayures blanches et qui contiennent un pourcentage de coque élevé, alors que les cultivars de type oléagineux produisent des achènes noirs plus petits et à faible teneur en coques (Figure 1). L’Espagne est le plus grand importateur de graines de tournesol de confiserie en coque. Le pays a une longue tradition de les consommer comme grignotine, mais sa production nationale a chuté de manière drastique après son entrée dans l’Union Européenne  en raison de la politique agricole commune de cette dernière  qui limitait la subvention à la production de tournesol de type oléagineux. En revanche, la production a été maintenue à petite échelle, en se basant principalement sur les variétés locales. Les consommateurs espagnols exigent surtout des graines en coque de confiserie. La Turquie et la Chine sont aussi des pays dans lesquels on consomme beaucoup de graines de confiserie comme grignotines.  À l’inverse, les consommateurs d’autres pays, comme ceux de la région des Balkans, préfèrent les graines noires en coque, de type oléagineux. C’est également le cas du Maroc, où la plupart des graines de tournesol sur le marché local du tournesol de bouche sont de type oléagineux. 
La production de semences de type confiserie en plus des graines de type oléagineux pourrait être avantageuse pour les producteurs du tournesol dans notre pays. En raison de la disponibilité limitée des cultivars de confiserie, l’évaluation des cultivars espagnols est une approche intéressante pour initier la sélection de génotypes adaptés aux conditions environnementales locales marocaines. En conséquence, un travail de recherche fût réalisé afin d’évaluer et de comparer la performance et la qualité des graines d’un ensemble de variétés locales de tournesol de confiserie en provenance d’Espagne et de certains cultivars marocains actuellement utilisés à double fin, en tant que sources d’huile et comme graines de bouche.

Méthodologie

Graines de tournesol

Figure 1. Graines de tournesol de type oléagineux (noires) et de type confiserie (striées)

L’étude a été réalisée en 2009 sur six cultivars espagnols de type confiserie et cinq cultivars marocains de type oléagineux. Tous ces cultivars sont à pollinisation libre avec un haut degré d’auto-incompatibilité. Les cultivars espagnols sont des variétés populations cultivées dans des champs de petits agriculteurs. Il s’agit de B-2, B-96 et B-107 collectées dans la province de Cordoue, B-132 collectée dans la province de Jaén, B-146 collectée dans la province de Grenade et B-307 collectée dans la province de Cuenca. Les cultivars marocains sont Karima, Oukrania, Peredovik, Salima et Znatia. Karima et Salima sont deux variétés développées par l’INRA-Maroc, Peredovik est un vieux cultivar russe largement cultivé au Maroc et Oukrania et Znatia sont des variétés locales collectées dans la province de Kénitra.

Les semences des 11 cultivars ont été semées en 2009 dans la ferme expérimentale de « Instituto de Agricultura Sostenible » de Cordoue, en Espagne, et dans la ferme expérimentale de l’INRA à Aïn Taoujdate, au Maroc. Après récolte, Le rendement en graines des différents cultivars a été déterminé. De même, la teneur en huile a été mesurée par résonance magnétique nucléaire (RMN) sur un analyseur Oxford 4000, alors que la composition en acides gras de l’huile des graines a été analysée par extraction et méthylation simultanées, suivies d’une chromatographie gaz-liquide (GLC) à l’aide d’un chromatographe gaz-liquide Perkin-Elmer à système automatique.

Les données recueillies ont été analysées par la procédure du modèle linéaire général (GLM) du logiciel statistique SPSS de IBM, version 19.0. L’analyse de la variance a été réalisée en considérant le génotype comme facteur fixe et la localité comme facteur aléatoire. La comparaison des moyennes a été faite en utilisant les tests t indépendants.

Résultats

Les résultats de l’analyse de la variance ont montré que la variation du rendement en graines était principalement associée à l’effet des localités et qu’il n’y avait aucun effet significatif des génotypes ou de l’interaction génotype x localité (Tableau 1). Il est bien connu que les caractères complexes, ayant une faible héritabilité, tels que le rendement en graines sont très influencés par l’environnement de culture. La teneur en huile de l’achène et la teneur en huile de la graine ont été influencées principalement par l’interaction génotype x localité, en absence de tout effet significatif du génotype ou de la localité. Inversement, aucun effet significatif de l’interaction n’a été observé pour le poids de cent achènes et le poids de cent graines, pour lesquels l’effet de la localité était prédominant. La variation de la teneur en coque de la semence a été notamment influencée par le génotype et l’interaction génotype x localité, bien que l’effet de la localité soit également significatif. La teneur en coque du tournesol est un caractère quantitatif à haute héritabilité, contrôlé principalement par des gènes à effets additifs. L’analyse de la variance a montré, également, un effet prononcé et significatif de la localité sur le profil des acides gras. L’interaction génotype x localité n’a été significative que pour la teneur en acide stéarique et en acide linoléique (Tableau 1). Des études antérieures avaient souligné l’influence de l’environnement sur la teneur en acides gras de l’huile de graines de tournesol, en particulier la teneur en acide oléique et en acide linoléique.

Table 1. Analyse de la variance (carrés moyens) pour le rendement en graines (RTG, kg ha-1), teneur en huile de l’achène (THA, %), teneur en huile de la graine (THG, %), poids de 100 achènes (PCA, g), poids de 100 graines (PCG, g), proportion de la coque (PRC, %) et pourcentages d’acide palmitique (16:0), acide stéarique (18:0), acide oléique (18:1) et acide linoléique (%) de six cultivars de type confiserie et cinq cultivars de type oléagineux plantés à Cordoue, Espagne et Meknès, Maroc en 2009.

Table 1. Analyse de la variance (carrés moyens) pour le rendement en graines (RTG, kg ha-1), teneur en huile de l’achène (THA, %), teneur en huile de la graine (THG, %), poids de 100 achènes (PCA, g), poids de 100 graines (PCG, g), proportion de la coque (PRC, %) et pourcentages d’acide palmitique (16:0), acide stéarique (18:0), acide oléique (18:1) et acide linoléique (%) de six cultivars de type confiserie et cinq cultivars de type oléagineux plantés à Cordoue, Espagne et Meknès, Maroc en 2009.

Table 2. Rendement en graines (RTG, kg ha-1), teneur en huile de l’achène (THA, %), teneur en huile de la graine (THG, %), poids de 100 achènes (PCA, g), poids de 100 graines (PCG, g),  proportion de la coque (PRC, %) et pourcentages d’acide palmitique (16:0), acide stéarique (18:0), acide oléique (18:1) et acide linoléique (%) de six cultivars de type confiserie et cinq cultivars de type oléagineux plantés à Cordoue, Espagne et Meknès, Maroc en 2009.

Table 2. Rendement en graines (RTG, kg ha-1), teneur en huile de l’achène (THA, %), teneur en huile de la graine (THG, %), poids de 100 achènes (PCA, g), poids de 100 graines (PCG, g), proportion de la coque (PRC, %) et pourcentages d’acide palmitique (16:0), acide stéarique (18:0), acide oléique (18:1) et acide linoléique (%) de six cultivars de type confiserie et cinq cultivars de type oléagineux plantés à Cordoue, Espagne et Meknès, Maroc en 2009.

Les cultivars de type confiserie et de type oléagineux ne diffèrent pas pour la production moyenne de graines ni en Espagne ni au Maroc (Tableau 2). Cependant, pour l’ensemble des cultivars, le rendement moyen en graines en Espagne était largement supérieur au rendement moyen en graines au Maroc, en raison des conditions environnementales plus favorables en Espagne. Comme attendu, les cultivars de type confiserie ont eu une teneur en huile d’achène significativement plus faible et une teneur en coque plus élevée que les cultivars de type oléagineux, tant en Espagne qu’au Maroc. En revanche, les deux types de cultivars ne diffèrent pas pour la teneur en huile de la graine, en absence de la coque (Tableau 2), ce qui consolide les résultats de travaux antérieurs. Les cultivars de type confiserie ont eu des achènes plus gros que les cultivars de type oléagineux en Espagne, mais les différences de taille des achènes entre les deux types de cultivars n’étaient pas significatives dans l’environnement marocain. Concernant la composition en acides gras des graines, la teneur en acide stéarique diffère entre les cultivars de type confiserie et oléagineux dans les deux environnements, mais dans différents sens. En effet, les cultivars de type oléagineux ont présenté une teneur en acide stéarique plus élevée en Espagne, mais plus faible au Maroc (Tableau 2). Ceci est expliqué par l’interaction significative génotype x localité, observée pour cet acide gras dans l’analyse de la variance (Tableau 1). Les graines des plantes cultivées en Espagne ont eu une teneur en acide oléique plus élevée et une teneur en acide linoléique plus faible que les graines cultivées au Maroc (Tableau 2), ce qui serait probablement dû aux différences de température journalière minimale pendant la période du remplissage des graines. Des études antérieures avaient montré que de légères variations de la température minimale entre 15 et 25 ºC entraînaient d’importantes variations de la teneur en acide oléique et d’autres acides gras, de sorte qu’une température réduite était associée à une teneur réduite en acide oléique.

Conclusion

Les cultivars de type oléagineux, à achènes noirs et à faible proportion de coque, sont la principale source du tournesol de bouche ou de la grignotine au Maroc, alors que les cultivars de confiserie, ayant des achènes à rayures noires et blanches et une proportion de coque élevée, prédominent en Espagne. Les résultats de la présente étude ont révélé que les deux types de cultivars ne diffèrent pas en termes de rendement en graines, de poids de 100 graines et de teneur en huile de la graine. Puisque les cultivars de confiserie d’Espagne se sont comportés de la même manière que les cultivars locaux de type oléagineux au Maroc, on pourrait alors penser à introduire ces cultivars espagnols dans notre pays pour diversifier l’offre du tournesol de bouche au niveau des marchés locaux.

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