Orobanche du tournesol au Maroc. Par Dr. Abdelghani Nabloussi (Chercheur, CRRA Meknès)

Dr Abdelghani Nabloussi, Amélioration génétique des oléagineux annuels, Coordinateur de l’URAPCRG - CRRA Meknès
Dr Abdelghani Nabloussi, Amélioration génétique des oléagineux annuels, Coordinateur de l’URAPCRG – CRRA Meknès

Originaire du bassin méditerranéen, l’orobanche du tournesol (Orobanche cumana Wallr.) est une plante holoparasite dépourvue de chlorophylle qui infeste une gamme limitée d’hôtes. Dans la nature, l’orobanche parasite quelques espèces de la famille des Asteraceae, principalement Artemisia spp, alors que dans les champs agricoles, elle attaque exclusivement le tournesol (Helianthus annuus L.). L’orobanche parasite les racines du tournesol, ce qui provoque des problèmes de flétrissement et de réduction de la croissance et du développement des plantes infestées et, par conséquent, une perte énorme du rendement en graine. La plante de l’orobanche a une hauteur moyenne qui varie de 40 à 50 cm, portant des fleurs blanches plus ou moins teintées de violet. Son potentiel de production des graines est très important, avec plus de 500.000 graines par plante de tournesol infectée. Ces graines sont très minuscules ne dépassant pas 0,3 mm de longueur, ce qui facilite et favorise leur dissémination rapide par le vent.

Le parasitisme de l’orobanche du tournesol fût observé pour la première fois en Russie en 19ème siècle (1866) et depuis s’est propagé et disséminé dans plusieurs régions du monde, notamment en Europe et en Asie. Il a causé des dégâts très significatifs à cette culture oléagineuse stratégique dans plusieurs pays tels que la Turquie, la Roumanie, l’Ukraine, la Bulgarie, la Russie, la Chine et les pays de la mer noire. En Afrique du nord, la présence de l’orobanche a été rapportée pour la première fois en Tunisie durant 2010. Et ce n’est qu’en 2016, que des champs de tournesol lourdement infestés par ce fléau ont été observés au Maroc, particulièrement dans la zone de Souk Al Arbaa, dans la province de Kenitra.

A ce jour, huit races physiologiques de l’orobanche du tournesol, nommées de A à H, ont été identifiées et les races F, G et H sont les plus rencontrées dans les différents pays producteurs de tournesol. Une étude préliminaire de ce parasite observé au Maroc a été réalisée par l’INRA, dans le cadre de la convention spécifique entre la Fédération Interprofessionnelle des Oléagineux (FOLEA) et l’INRA signée en 2016. Dans ce contexte, une visite de diagnostic a été réalisée en juillet 2016, dans la zone de Souk al Arbaa, dans des parcelles ayant montré un taux d’infestation élevé par l’orobanche.

Deux parcelles de cette zone (34°41ʹN, 5°59ʹW) ont fait l’objet de collecte d’échantillons de semences de plantes d’orobanche. Et pour l’identification de la race de la population d’orobanche collectée dans cette zone, huit lignées différentielles de tournesol de l’Institut d’Agriculture Durable (IAS) du Conseil Supérieur de Recherches Scientifiques (CSIC) de Cordoue, en Espagne, ont été utilisées dans des conditions contrôlées.

L’observation des parcelles de tournesol visitées dans la zone de Souk Al Arbaa a révélé que la semence utilisée est non certifiée, qu’elle se multiplie d’une année à l’autre dans les parcelles de sa production et qu’elle se vend même dans les marchés locaux de la région. Nos observations ont également confirmé l’attaque des plantes des deux parcelles par  l’orobanche, avec une infestation très sévère. La photo 1 montre l’une des deux parcelles lourdement infestée par l’orobanche, en stades de floraison et de maturité, alors que la photo 2 illustre l’attaque au niveau d’une plante individuelle. En observant la partie souterraine, il a été remarqué l’attachement du parasite aux racines des plantes de tournesol. Le degré de virulence varie de 0 à 20 pousses d’orobanche par plante de tournesol. Les plantes attaquées sont généralement peu vigoureuses et très desséchées, avec une nette réduction du diamètre des capitules et de la taille des semences. En conséquence, une perte drastique du rendement en graine a été notée au niveau des champs infestés. Selon les déclarations des agriculteurs et selon nos propres estimations, le rendement obtenu serait réduit de plus de 80%. Nos recherches dans des conditions contrôlées ont montré que la population d’orobanche collectée dans la zone de Souk Al Arbaa serait une forme très agressive de la race G.

Durant l’année 2017, sur la plateforme du tournesol installée dans la zone d’Aïn Jemaâ, dans le cadre de la convention spécifique entre la FOLEA et l’INRA, la présence de l’orobanche a été également notée, notamment sur la zone ouest de la parcelle. Des échantillons de semences de cette population ont été collectés et analysés et les résultats de cette analyse ont montré qu’il s’agissait bel et bien de la même race G observée dans la zone de Souk Al Arbaa. Cela dénote l’extension et la dissémination rapides de ce parasite à travers les différentes zones et régions de notre pays.

Par conséquent, des mesures urgentes doivent être prises pour faire face à ce fléau redoutable et protéger la culture du tournesol au Maroc. A notre avis, la première chose à faire est d’éviter de cultiver des semences non certifiées. De même, des mesures et des campagnes de sensibilisation devraient avoir lieu pour aviser les producteurs du tournesol de l’ampleur du danger qui menace cette culture dans notre pays. Après repérage des premiers foyers infestés, des actions immédiates permettant d’arrêter ou de limiter la propagation de ce parasite doivent être entreprises. Les parcelles identifiées en état d’infestation doivent être récoltées en dernier lieu pour éviter toutes éventuelles contaminations par la moissonneuse batteuse. Enfin, il va falloir bien nettoyer le matériel de travail du sol, de semis, d’entretien et de récolte, après chaque utilisation dans des parcelles identifiées comme étant infestées.

Par ailleurs, la recherche devrait continuer pour explorer les différents aspects liés à l’orobanche. Dans un premier temps, des moyens de lutte chimique et de lutte intégrée devraient être mis au point et transférés à la profession.  Et œuvrer surtout à l’identification  de variétés résistantes ou tolérantes qui peuvent être proposées à la profession afin de préserver la culture du tournesol au Maroc

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