Introduction
Face à une croissance démographique importante associée à des conditions climatiques et environnementales de plus en plus critiques (changement climatique, dégradation des sols, etc.), la création variétale doit relever plusieurs défis afin de contribuer à la sécurité alimentaire mondiale via des variétés plus performantes accompagnée des innovations adaptées. Toutefois, les résultats de la recherche restent sans effets notables si les utilisateurs finaux, principalement les agriculteurs, n’adoptent pas ces nouvelles technologies. D’où, le besoin d’adopter une approche participative pour une meilleure diffusion de ces technologies auprès des usagers.
Définition de l’approche participative et son rôle dans la création variétale
L’approche participative dans la création variétale consiste en une relation de partenariat entre les différents acteurs de la filière agricole (sélectionneurs chercheurs, professionnels et agriculteurs) dans les prises de décision et de sélection orientées principalement selon les perceptions des utilisateurs finaux du produit et de leurs différents besoins réels. Ainsi, les agriculteurs deviennent de plus en plus impliqués dans le développement de la technologie, au lieu d’être de simples consommateurs et bénéficiaires de ces avancées.
La sélection variétale participative a pour principaux objectifs :
- Faciliter la dissémination et accélérer le taux d’adoption des nouvelles variétés et innovations agricoles, surtout en prenant en considération le long processus de création variétale coûteux en termes de temps et d’espace;
- Couvrir une plus large gamme d’environnements par rapport aux programmes conventionnels en intégrant les champs des agriculteurs en tant qu’environnement de test. Ceci permet d’aboutir à des innovations variétales spécifiques pour des environnements multiples et réduire l’écart de rendement entre l’essai chez l’agriculteur et l’essai expérimental.
La participation des agriculteurs dans le programme de la création variétale pourrait avoir plusieurs formes selon les niveaux de participation :
- Participation à des journées portes ouvertes des stations expérimentales pour démontrer aux agriculteurs la marge du progrès offerte par les nouvelles technologies en comparaison avec les performances actuelles.
- Évaluation variétale participative associant les agriculteurs élites ou modèles d’une région au criblage des variétés dans les phases finales du cycle de création variétale selon leur critères de notation. Cette approche est appelée « sélection variétale participative ».
- Implication des agriculteurs dès les premières phases du programme d’amélioration en leur confiant la sélection au sein des populations en ségrégation (descendances de croisement) semées sur leurs terres. Cette approche est appelée « Gestion dynamique participative ».
Application de la sélection participative à l’Institut National de la Recherche Agronomique (INRA)
L’INRA a toujours eu conscience de l’importance du rôle clé de l’agriculteur dans la réussite de tout programme d’amélioration génétique. La forme de participation la plus répandue reste la participation des agriculteurs et professionnels dans des journées portes ouvertes pour démonstration et appréciation des nouvelles variétés sélectionnées et technologies innovantes.
Actuellement, certains projets de recherche et développement visent à faire participer les agriculteurs dans la sélection effective des variétés et non pour la démonstration uniquement tout en leur permettant d’émettre leurs préférences et critères particuliers avant la considération de la variété pour inscription. Cette relation de partenariat pourrait être plus fructueuse si elle se développait en « Gestion dynamique participative ». Toutefois, le poids financier et la fiabilité des essais établis par les agriculteurs (du principalement à la diversité des conduites techniques) et la rigidité des lois d’inscription variétale vis-à-vis des variétés à adaptation spécifique restent des points primordiaux à soulever.
Compte tenu de ce contexte et dans un souci d’une création variétale fructueuse et efficiente, le programme d’amélioration génétique du blé tendre pourrait être entrepris selon le schéma suivant :
Toutefois, ce programme nécessite une bonne planification et budgétisation des différentes actions ; principalement les journées de formation, les journées portes ouvertes, l’entretien et le suivi des différents essais chez les agriculteurs. Une implication des chercheurs de toutes les disciplines est requise pour une formation plus complète des agriculteurs et une interaction plus efficiente.
Parmi les expériences de la sélection participative entrepris dans le cadre du blé tendre, on peut citer le cas du projet CRP DS intitulé « Les systèmes de production agricole intégrés et durables pour l’amélioration de la sécurité alimentaire et des conditions de vie dans les zones arides » financé par le Groupe Consultatif pour la Recherche Agronomique Internationale (CGIAR) sous la responsabilité de l’ICARDA. Parmi les composantes de ce projet, la mise en place des plateformes participatives d’innovation.
Dans le cadre du projet, deux journées de sélective participatives ont été organisées chez deux agriculteurs de la région de Meknès (Sebt Jehjouh et Sidi Slimane Moul Kifane) en 2014 avec la présence de 42 participants (agriculteurs, chercheurs et professionnels) de la région de Sais afin d’évaluer dix lignées avancées de blé tendre. Les participants ont noté les génotypes basés sur une échelle d’évaluation de 1 à 5 (5 étant le meilleur score).
Sur la base des notations, trois lignées du blé tendre sur les 10 testées ont eu un score 4 et/ou 5 à 75%. Les lignées ont été également évaluées dans les différents sites expérimentaux de l’INRA pour validation de leurs performances sur deux autres années. Une de ces lignées a été présentée cette année au catalogue officiel pour inscription.
Références
Bonneuil, C & Demeulemaere, E. 2007. Vers une génétique de pair à pair ? l’émergence de la sélection participative.
Gunasekar, M.T.K.. 2006. Adapting crop varieties to environments and clients through decentralized participatory approach. The Journal of Agricultural Sciences, 2006, vol. 2, no. 1.
Vom Brocke, K., Trouche, Weltzien, E., Barro Kondombo, C.P., Gozé, E., Chantereau, J., 2010. Participatory variety development for sorghum in Burkina Faso: farmers’ selection and farmers’ criteria. Field Crops Research 119, 183-194.